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LE CONSUL

22 novembre 2013

Comptoir Cuisine

 

cc

2 Place de la Comédie, 33000 Bordeaux....

 

Cadre :

Face au Grand Théâtre et sous le Grand hôtel, environnement prestigieux, décor feutré et élégant. Ambiance chic et cosy...

Service :

Accueil pro et souriant, service rapide et maîtrisé...

Cuisine :

Cuisine inspiré et terrienne, du goût, de la couleur, de la classe....

Global :

Brasserie  de luxe, 30 euros pour un Boeuf  Wellington savoureux, carte variée, cuisine de grande qualité et ambiance raffinée ....

Publicité
16 novembre 2013

Brasserie le 7e Art

1

1 place de l’église 33400 Talence...

 

Cadre :

Idéalement situé, à la sortie des salles du cinéma voisin,  (dommage que le service, à part en été, s'arrète à 21h45), vaste terrasse et grande salle lumineuse... Aménagement par petits espaces, à différents niveaux, banquettes et fauteuils confortables, tables de bonnes et diverses tailles....

Service :

Accueil rapide quoiqu'un peu froid, nous sommes placés là où il y a déjà du monde, (pour rationaliser l'espace), prise de commande rapide même si l'on nous prévient un peu tard de l'absecence d'un met... Service assez rapide mais personnel peu attentif aux clients, (il est nécessaire de hausser la voix pour interpeller la serveuse un peu hagarde), on nous sert, par erreur, le vin de nos voisins.... Manière un peu cavalière du "serveur en chef" qui scrute mon code de carte bleue au moment du paiement....

Cuisine :

Copieux, conforme à la commande, bien assaisonné, produits quasi-frais cuisinés sur place....

Global :

Pas mal pour une brasserie, l'entrecôte à 24 euros est copieuse et goûteuse, les assiettes de tapas autour de 5 euros  gargantuesques, le café gourmand à 7 euros difficile à terminer, (trop et trop peu fin).... Un peu de sourire et de pep's, pouvoir y dîner après un film, vers 22h00 et ce serait parfait....

18 juillet 2005

LES MAUX : Episode I : "prologue".......

  Avertissements :


              I
l est des histoires étranges, certaines incroyables, des récits qui nous surprennent, nous dérangent...

Celle que je vais vous conter, pourra vous paraître difficile à accepter, impossible à admettre...

Alors, détendez-vous, laissez-vous aller. Oubliez vos certitudes, vos réflexes conditionnés.

Acceptez de vous laisser pénétrer par la profonde véracité de cette aventure...

Où et quand ces événements se sont-ils déroulé, quels sont les noms des protagonistes de cette affaire, quels sont les indices, les éléments de preuves ?
Me lanceront certains d’entre-vous...

Incrédules que vous êtes ! 

La preuve de la réalité de tout ce qui va suivre, c’est dans votre cœur que vous la trouverez...

Cessez de vous attacher aux détails, abandonnez, un instants, votre foi en la toute puissance des faits...

Ce que l’on vous dit est parfois diffèrent de ce que vous entendez....

La recherche effrénée d’une rationalité, le souci naïf d’une objectivité, le besoin pathologique d’une efficacité :

Autant de freins et d’obstacles a la compréhension de soi et des autres....

Alors, faites silence en vous !

Ouvrez grand vos yeux, vos oreilles et encore plus grand votre cœur...

Préparez-vous à entendre, peut-être à comprendre...

Entrez, je vous en prie...

Entrez................................................................


 Il était maintenant plus de huit heures quarante...

Chrystelle, une fois encore, engluée dans les encombrements, savait qu’elle serait en retard.

Elle était toujours en retard, partout et depuis aussi loin que sa mémoire lui permettait de remonter.

-Mais avance ! Aboya-t-elle à la fourgonnette qui, devant elle, hésitait à plonger dans le fleuve routier...

-Cette fois, se dit-elle, on est vraiment bloqués...

Elle glissa la main dans son sac, puis, nerveusement, en étala le contenu sur le siège passager. Elle composa un numéro sur son GSM, et dévissa le tube de son brillant a lèvres.

-Allô ! Oui, c’est le... , bonjour Hélène, pourriez-vous prévenir mes premiers patients .... Oui, d’environ une heure... Merci Hélène... Oui, au revoir.

Une icône, une enveloppe stylisée et animée, clignotait sur l’écran de son téléphone.... Elle enfonça une touche, et libéra le mini-message...

-« Je suis désolé, je t’aime, a ce soir....Laurent ».

La main de Chrystelle se mit à trembler, la soirée d’hier avait été très dure, il avait été odieux, elle avait été cruelle. Longtemps, elle avait pleuré, avant de s’endormir...

Neuf heures vingt, son véhicule franchit les grille du centre hospitalier universitaire de L., elle le rangea sur la place marquée : « Docteur B., service de psychopathologie du professeur D. »

Une larme finissait de mourir sur le grain de peau parfait de sa joue droite...

-Madame J., crises d’angoisse et idées suicidaires ! Lança la secrétaire médicale.

Comme tous les jeudis matin, Chrystelle, assurait les consultations externes, et, recevait les maux que d’autres, ailleurs, n’avait pu entendre...

-Merci Hélène, répondit le médecin, je vais la recevoir tout de suite.

Un bureau, vaste, sur la gauche, des étagères, ou, se dispute une place, livres, revues, dossiers, boite de médicaments, et, ca et la, un cadre ceignant la photo d’un vieux couple souriant, une boite en marqueterie ou, encore, une paire éraflée de lunettes de soleil...

Au sol, une moquette épaisse, bleue de prusse, montrait quelques signes de fatigue...

De la droite venait la lumière, une série de trois fenêtres voilées de stores, créaient une ambiance striée...

Le mur du fond n’était habillé que d’un tissu écru, d’inspiration vaguement africaine...

Enfin, au centre, deux chaise aussi rouges que métalliques, un divan de tissu noir, un bureau noir lui aussi, et derrière le bureau, une femme, d’environ trente ans, ses cheveux noués en chignon étaient blond, tirant sur le roux, et ses yeux bleu-vert.

Elle était plutôt grande, mince, son sourire et ses taches de rousseur la rendaient sympathique et douce.

Sur sa poitrine haut placée, il y avait un badge, sur lequel était inscrit, en blanc sur noir : « Docteur Chrystelle B. ».

-Asseyez-vous, je vous en prie madame J., dit-elle, je vous écoute, dites-moi ce qui se passe...

Trois heures et huit patients plus tard, le téléphone gris, posé sur le bureau, sonna.....

-Docteur, c’est le professeur D., il désire vous parler de quelque chose et vous donne rendez-vous dans quinze minutes pour déjeuner, annonça Hélène, c’était le dernier patient pour ce matin. Bon appétit docteur...

Les rires étaient partout dans la cafétéria...

Chaque jour, s’y déroulaient les mêmes rituels. Chacun venait s’y sustenter autant que s’y détendre.

Pour tous ceux que la difficulté du labeur hospitalier avait entamés, la légèreté de la cuisine et la lourdeur des plaisanteries faisaient des miracles.

On pouvait y voir, assemblé autour de longues tables, un bruyant patchwork de blouses, blanches, bleues ou roses...

Un peu plus loin, derrière une paroi de verre impuissante à stopper le chahut des jeunes internes, les « mandarins » de chaque service prenaient leurs déjeuners.

-La bouffe est toujours aussi infecte, entama le grisonnant professeur en repoussant son assiette.

Il devait avoir la cinquantaine, peut être plus, grand, solidement bâti, il avait, en plus de ses sourcils buissonneux et de sa voix de basse, un humour caustique, qui mettaient parfois mal a l’aise ses interlocuteurs.....

-J’espère cependant que cela vous a plus ma petite Chrystelle. Bien, je pense que je n’ai rien oublié, ajouta-t-il en se levant. Voilà les clefs de mon bureau, de toute façon, vous avez mon numéro. Par contre, mon cher docteur B., je compte vraiment sur vous pour différer jusqu'à mardi tous les problèmes que vous n‘aurez pas réglé.

-Comme d’habitude patron, répondit-elle. Vous pouvez partir pour votre long week-end tranquille. Je gère.

-Vous savez, ma chère collaboratrice que vous êtes mon bâton de vieillesse...oh, j’oubliais ! F. de la clinique de lilas m’a téléphone ce matin, il nous envoie un patient cet après-midi. Apparemment, ils ont tout essayé depuis prés de trois mois, aucune amélioration. Donc, demain on le passe à l’imagerie, et mardi je signerai le rapport pour le transférer au château... Bon, ben je m’en vais. C’est promis, le prochain pont c’est vous qui partirez mon enfant...Promis ! Il sortit...

 Vingt-cinq ans environ, poursuivait le neuropsychiatre, d’après son dossier, il a été amené aux urgences de T., il y a quatre mois. Les pompiers l’ont retrouvé dans un parc assis en tailleur, nu comme un ver, au beau milieu d’un début d’incendie, dans sa main, un bout de papier avec un prénom : Alex...

Aux lilas, ils l’appelaient comme ca.....

Il a passé cinq jours à l’hôpital, brûlures superficielles, puis un juge a décidé face a son mutisme de le placer aux lilas, « en convalescence surveillée »...

-Il a suivit quel genre de traitement ? Demanda Chrystelle tout en se hâtant pour suivre les longues foulées de son confrère.

-Sous la responsabilité du docteur S., ils ont commencé par quinze jours de « décapage » chimique, voilà la liste, répondit Michel N., tendant un dossier a sa jeune interlocutrice. Puis plusieurs séances de thérapie comportementale, et enfin des stimulations electrico-chimiques...

-Mon dieu ! S’exclama elle. Il a subit des doses de cheval !

-Et sans aucun résultat, en trois mois personne n’a pu lui arracher un mot ou un geste... Tiens regarde.

Par la petite ouverture ménagée dans la lourde porte, le regard pers du docteur B. pénétra dans une des petites pièces capitonnées qui servaient habituellement à mettre en sécurité des « cas difficiles ». La, assis sur une chaise, vêtu d’une simple blouse, se trouvait un jeune homme brun...

 Son regard fixe était emprunt de tristesse, il ne ressemblait pas a celui sans expression des catatoniques...

-Demain matin, repris le médecin, on va lui faire un scan complet. Franchement, je ne crois pas a une cause organique, mais le château nous réclame un dossier complet, signé par le patron pour lui faire une place a vie avec les autres incurables.

-Parfait, merci Michel, si t’as besoin de moi, je suis au troisième jusqu'à dix-neuf heures...........




-Mais c’est vrai, putain ! Y’a des fois on sait pas si tu rigoles ou si t’es sérieux...

-Ca change quoi ?

Franck avait si souvent entendu cette remarque et celle, associée, faisant état de son air sombre et peu engageant...

Il avait toujours était comme ca, c’était comme une tradition, dans sa famille on souriait, parfois, mais toujours sans les dents... Chaque fois, peu souvent, ou il avait essayé de les montrer, son visage affichait une grimace ridicule....

Alors il avait opté pour l’air sombre, l’humour décalé, qui, avec ses deux mètres et sa barbe noire, complétait, assez bien selon lui, le tableau du type bourru....

-Pardon messieurs ! La radiologie s’il vous plaît ?

-Le grand bâtiment, là-bas, a droite, répondit Franck, portant la main à sa casquette....

Il aimait bien son uniforme de vigile, qui lui donnait un air de flic américain.

-Bonne journée madame, rajouta Ben, son collègue, qui lui, faisait davantage penser a un postier, comme quoi.....

Les deux hommes arpentaient ensemble le domaine hospitalier depuis bientôt huit ans, leurs rapport se limitaient a cela, même si après réflexion, il s’étaient aperçu qu’ils étaient l’un pour l’autre la personne avec qui ils avaient passé le plus de temps....

Ben était beaucoup plus loquace que Franck, parlait de tout, très vite, sans attendre de réponse...

De toute les façons, Franck avait peu de choses a partager, sa vie se limitait d’une part a son boulot et aux quelque moment ou il lui procurait un maigre sentiment d’utilité, comme la fois ou il avait découvert et racconpagnée un pauvre vieux papy perdu dans le parc, et d’autre part a ses « vieux amis du rugby », qu’il voyait de moins en moins souvent pour évoquer leurs révolues heures de gloires sportives.

Et puis, bien sur, il y avait Elle....Laure.........




 Seize heures et trente-cinq minutes.... Chrystelle avait passé son après-midi à des taches administratives, sans toutefois parvenir à chasser de ses pensées les yeux de cet Alex.

Elle se leva brusquement et se rendit à la fenêtre...

La grêle tomba soudain, dehors chacun hâta le pas pour se mettre à l’abri............ Des millions de billes blanches rebondissaient sur les pelouses, les allées et les chemins, frappaient les véhicules, le ciel était noir de suie....

En quelque seconde à peine tout fut fini... Chrystelle, prit son bloc a la volée, sortit de son bureau et gagna d’un pas vif les ascenseurs....

Un harmonieux tintement et la porte s’ouvrit, un couloir, un autre, une table, derrière elle, un gardien assoupi, un registre a émarger, quelque pas, un badge qui frole une serrure, bip, bip, la porte est libérée, encore un couloir, de chaque cotés, deux rangées de portes bleues marines, le docteur B. ralentit, son cœur bat si fort, ses tempes pulsent en cadence, encore quelque mètres.....Cellule cinquante neuf...C’est la...

Tout doucement, elle entrouvre le judas, il est toujours la, bien sur, assis le regard fixé sur. Elle...Clac, elle referme..

La tête lui tourne, elle a la nausée, fait demi-tour, franchit la porte et.... Tombe.......

-Chrystelle ! Chrystelle ! Ca va elle reviens..

Elle était allongée sur le sol, au dessus, le sourire rassurant de Michel, plus loin le gardien bien réveillé cette fois, flanqué d’un infirmier...

-Eh bien chef, tu nous as foutu la trouille, ca va mieux ?

-Oui, je suis désolé, j’ai du manger un truc pas frais a midi, merci Michel, ca va bien, je t’assure.....

-Ok tout le monde, vous avez entendu, c’est bon, tout le monde au boulot, reprit le docteur N.

Se redressant Chrystelle aperçut tout ce que l’étage comptait d’infirmiers et de femmes de service...

-Michel, il faut que je te parle.......




 Les giboulées, déjà le mois de mars, se disait Geraldine, déjà un an...

Un an passé comme dans un souffle, passé a ne pas y croire, à espérer, à courir, à chercher, à demander à droite à gauche, un an à pleurer, à essayer de faire avec ou plutôt de faire sans...

Et depuis deux mois, tout les jours, les mêmes journées qui se suivent...

Debout sept heures, vérifier qu’il est parti, huit heures au bureau, conversations stériles, douze heures, un sanwich, quelques pilules, ensuite, re-bureau jusqu'à dix-sept heures, et vite l’hôpital jusqu'à six heures, et puis une douche, quelques paillettes, un ou deux martinis, et la nuit, danse, alcool, rencontres faciles, au lit à trois heures, jamais seule, et ca re-part...

Pour tenir, calmant, excitant, tranquillisant, vitaminant...

Elle y était, aile C, service de cancérologie, troisième étage, chambre trente-huit....

-Bonjour maman, comment ca va aujourd’hui ?

Suivirent divers propos traitant au choix de la météo, d’une émission de télévision, du prochain mariage d’une lointaine cousine ou du caractère aigre d’une infirmière...

Une heure passe rythmée par l’inexorable écoulement du goutte à goutte...

Six heures et trois minutes..... Géraldine, assise au volant de sa voiture neuve, pleure.....

Chaque soir, elle a besoin, de ce temps, de ce sas, elle ne veut pas pleurer devant sa mère, ne veut pas lui faire de mal, elle ne peut pas pleurer au téléphone avec sa sœur, ne peut pas l’inquiéter, elle ne sait pas pleurer dans les bras d’un homme, ne sait pas s’y montrer faible.....

Un mouchoir en papier, un raccord de maquillage, elle se sent prête, fatiguée, mais prête, dans deux heures elle sera belle, désirée, elle aura tout oublié, elle se laissera aller, son corps ferme prendra le contrôle.... Jusqu'à demain.......




 -C’est toi la patron !

Dans le petit bureau, Chrystelle jouait nerveusement avec son stylo...Elle détestait prendre seule des décisions, elle savait que Michel avait confiance en son jugement, qu’il lui soumettrait ses réserves si elles existaient...

-Bien, merci Michel, bonne soirée, à demain....

Elle se leva, et, machinalement, perdue dans ses pensées, regagna son service.

D’une part, il y avait les éléments clinique, cet Alex n’avait pas du tout l’aspect habituel d’un catatonique, cependant son regard la troublait, et puis il y avait ce « malaise », après tout elle était de garde ce week-end et il serait toujours temps, mardi de le faire enfermer au château. D’autre part, il y avait cette voix en elle, ces pensées obsédantes, qui était-il ? Pourquoi se sentait-elle le devoir de s’en occuper personnellement ?

Elle s’assit lourdement, de toute façon sa décision était prise, demain, après son scanner, elle mettrait en place sur les quatre jours à venir, quatre séances d’hypnotherapie...

C’était sa spécialité, et, même si elle avait ces cinq dernières années eut peu d’occasion d’exercer, elle espérait par ce biais entrer en contact avec le mystérieux patient de la clinique des lilas.

-Je m’en vais docteur, a demain...

-Oui, merci Hélène, a demain, répondit Chrystelle jetant un coup d’œil réflexe au petit réveil posé a sa gauche.

Dix-huit heures quarante cinq....

Assez pour aujourd’hui, se dit-elle. Dehors la nuit était tombée, elle se leva, rassembla rapidement ses affaires, elle se retrouva dans le hall d’accueil, salua d’un geste l’interne de nuit, elle courut jusqu'à sa voiture pour échapper à la pluie glacée, et tourna la clef de contact...

Elle tourna la tête en direction du pavillon psy....

Au cœur des ténèbres, la pluie faisait un halo autour d’une lueur au cinquième étage, cellule cinquante-neuf.........

20 mars 2005

OMISSION, épisode VI et fin:

J’étais posté à l’abri d’une murette. De là, je pouvais observer les quinze mètres de cour qui me séparaient d’un petite porte. Personne !

Mes jambes tremblaient, et les battements de mon cœur laissaient craindre une rupture prochaine. Mes mains moites se crispèrent sur mon arme.

Les détonations que j’entendai, étaient pour moi le signal.

Je me levai et courus en direction de la porte...

Abdel avait d’abord rejoint la cour discrètement en s’abritant derrière des containers. Il avait tout de suite aperçu le type en treillis qui fumait une clope près de la barrière.

Il avait déposé au sol son fusil-mitrailleur et son long sac de sport afin d’être plus mobile.

-Les plans les plus simples sont les plus simples. Se dit-il.

Il ramassa un pierre, et la lança violemment sur un autre containers à trente mètres de là.

Au moment où le gardien passa, il lui décocha un High-kick en pleine face, le réduisant au silence. Abdel ne put se réjouir longtemps, car un autre type l’avait aperçu depuis le toit et vidait le chargeur de son AK 47 dans sa direction...

-C’..c..c’est quoi! Hurla Noun. Les f..f..flics ?

-Les bourres ça m’étonnerait. Répondit Franck. Y’a pas eut de sommation, j’espère seulement que...

La porte s’ouvrit brusquement. Face à eux, Igor, les yeux injectés de sang, son 44 à la main.

-Vous, venir vite ! aboya-t-il.

Franck se leva nonchalamment, il ne put empêcher Noun de se jeter sur le russe. Il vit les deux colosses qui un instant semblaient danser, il entendit une détonation, puis une autre...

Crâne d’œuf le regarda, quelque chose d’infiniment triste dans le regard, puis tomba à genoux avant que son visage ne heurte le sol en produisant un bruit boueux.

Noun se retourna vers son ami, il souriait.

-Tu..u vois q..q.qu’on pe..peut agir. Dit-il en chancelant.

Franck se précipita pour soutenir son ami et adoucir sa chute. Il était dans ses bras. La blessure indiqua à Franck que la fin était proche.

-Merde ! Cette f..fois, j’ai m..m.mon compte. Déclara Noun, en respirant de manière saccadée.... Si tu..tu t’en sors,.., je voudrais que tu t’en sortes, pour dire à Sophie et à mes princesses que je les aime et que j’ai pensé à elles jusqu’au bout.

-Je te le promets. Répondit Franck dont les larmes coulaient enfin.

-Je t’aime, toi aussi Franckie. T’avais raison, c’est bon de pas crever tout seu...

David posa doucement sa tête sur la cuisse de son ami.

-T’es pas tout seul mon pote. Dit Franck, en lui fermant les yeux. T’es pas tout seul...

Je suis contre la petite porte, respiration haletante, je pose la main sur la poignée , elle est ouverte...

-Halt !

Sur ma gauche un cri, je tourne la tête, à quarante mètres un gars habillé en militaire court dans ma direction, machinalement je pivote vers lui, le fusil s’oriente et le coup de feu part, le type est au sol, il hurle.

J’avance vers lui, j’entends un bruit métallique, sur ma droite un mouvement, la porte s’ouvre, un autre soldat, je re-arme, un autre coup de feu.

Cette fois l’ennemi est à cinq mètres, j’ai le temps de voir sa cage thoracique s’enfoncer et laisser la place à de la chair molle qui se teinte de noir, le russe s’envole et coule le long du mur, il est mort.

De l’autre côté, les cris ont cessé, il est mort, lui aussi...

-Bordel de bordel ! s’écria Abdel.

Il était adossé à un container, et le feu nourri d’au-moins deux Kalashnikov le clouait sur place.

Tout d’abord améliorer sa position.

Abdel assura sa prise sur son Heckler & Koch MP5A4, resserra la sangle de son sac, et courut à l’abri d’un autre container, à quinze mètres de là, tout en mitraillant dans la direction de ses opposants.

Les balles sifflèrent, soulevèrent la poussière, et firent sonner le métal du container, il était à l’abri...

En face, à soixante mètres, au-delà des cinq rangées de voitures, Franck pouvait apercevoir un garde, embusqué derrière deux fourgons, qui semblait hésiter à faire son boulot, et, à sortir participer au combat.

Il s’accroupit à l’abri d’une Audi A6, et vérifia son chargeur...

Cinq balles...                                                                                                                                                                           

A trente mètres, sur le parking, deux bennes à ordures lui assureraient une protection suffisante tout en le plaçant à bonne portée des gangsters.

Répéter le mouvement dans sa tête... Et y aller...

Il dégoupilla une de ses grenades, la lança en direction de l’entrée du hangar, et se mit à sprinter comptant sur la diversion de l’explosion et sa course rapide en zigzag pour arriver sain et sauf.

Les trois secondes et six cent trente neuf millièmes que dura son déplacement lui semblèrent bien longues...

Les mafieux étaient deux sur le toit de l’entrepôt, et si le premier fut totalement distrait par la déflagration en dessous de lui, l’autre aperçut tout de suite Abdel et ses zigzags.

Il ouvrit le feu, faisant pleuvoir l’acier. Les balles de calibre 5,7 x 28 mm heurtaient violemment le sol goudronné du parking, chaque pas était pour Abdel un pari insensé, devait il continuer tout droit ou virer brusquement ?

L’un de ses choix fut trop tardif, et une balle lui frôla la cuisse suffisamment près pour y creuser une entaille de trois centimètres.

Enfin, il arriva, s’assit quelque instant à l’abri, et souffla...

Une explosion s’était produite au niveau de la grande porte coulissante du hangar, de la fumée pénétrait à l’intérieur, et, à en juger par l’intensité des échanges, la bataille faisait rage à l’extérieur..

Sur sa gauche, il entendit des cris en russes, et aperçut « le moustachu » qui courait vers la grande porte en hurlant des ordres.

-Toi connard ! Pensa Franck. Tu vas payer !

Il respira, et se faufila entre les automobiles, pour intercepter son homme sans attirer l’attention du type d’en face.

-Eh, fils de pute ! Lança-t-il au russe, profitant du vacarme ambiant pour couvrir sa voix.

L’homme, d’une quarantaine d’années se retourna lentement. Il vit alors un des prisonniers, un genou à terre, qui le menaçait avec un Rutger 44. Il leva les bras, esquissa un sourire gêné puis une moue incrédule lorsque deux balles fracassèrent les os de son visage. Il tomba...

Franck jeta un coup d’œil, l’autre n’avait pas bronché. Il mit le cadavre sous une classe S, et récupéra le PM 98.

Il tourna la tête. Au fond de l’entrepôt, Art et Vladimir sortaient de leurs bureaux les armes à la main.

Eux, ils l’avaient vu...

Je poussai la porte. En face de moi, l’ouverture de la lourde porte du hangar m’offrait un point de vue terrifiant. Dehors, Abdel devait être en enfer, les rafales sèches de son pistolet-mitrailleur répondaient à celles saccadées des fusils d’assaut soviétiques et de la fumée semblait recouvrir le parking.

Plus près de moi, un homme en treillis me tournait le dos, tandis qu’un autre se préparait à sortir en vociférant.

Je fus pris d’un vertige, mes jambes menaçaient de ne plus me porter, et je dus m’adosser à un container sur ma droite. Tout était allé si vite ! A quelques mètres de là, gisaient deux hommes que je ne connaissais pas et que j’avais tué. Dire que quelques jours plus tôt, frauder dans le bus m’enterrer sous la culpabilité. Et pourtant j’étais calme. Une sérénité enragée...

A trente mètres de moi, le russe abrité derrière deux vans ne me regardait pas, ne me menaçait pas directement.

C’était un cas de conscience...

Je longeai encore un peu le container...

-Bordel de bordel ! Hurlait Abdel.

Sa situation ne s’était pas vraiment améliorée.

Certes il semblait à l’abri des tirs ennemis, mais l’arrivée d’un troisième larron, au niveau de la porte coulissante, lui interdisait toute riposte, à l’exception de quelque rafales à l’aveuglette.

S’il restait ainsi, tôt ou tard, ils viendraient le déloger...

Sur ma gauche des coups de feu avaient éclaté. Au fond de l’entrepôt, deux types dont l’un pouvait bien être Vlad avançaient en canardant plusieurs rangées de voitures... Non ! accroupi au milieu des berlines, un homme répliquait...C’était Franck !

Je devais l’aider, mais comment ? Autour de moi...

Le type de la porte, un genou à terre, essayait sans doute d’atteindre Abdel. L’autre avait disparu...

Il devait s’occuper de ces deux gaillards sur le toit, et pour ça, il avait ce qu’il fallait...

Abdel ouvrit sereinement son gros sac noir, et en sortit lentement chacun des éléments qu’il étala devant lui, sur le goudron.

L’étoile soviétique qui ornait encore une de ces pièces lui apparut comme un signe.

-Retour à l’envoyeur, bande de bâtards ! Rugit il dans un sourire...

Franck etait sous le feu de d'Art et de Vlad qui s’étaient abrités derrière un tas de bidons métalliques.

Il devait se montrer avare de ses munitions.

Soudain, quelque chose frappa la carrosserie à hauteur de son visage, un boulon ? Quelqu’un lui avait jeté un boulon. Il pivota...

A vingt mètres de là, partiellement caché par l’angle d’un container, un fusil à la main et la haine sur le visage, je lui faisais des signes...

Franck dut se concentrer, faire abstraction de la joie de n’être plus seul, de la surprise de voir «Alex prince du canapé » transformé en commando, et essayer de décrypter mon message.

Je lui montrai les deux fourgons noirs où quelques minutes plus tôt se tenait un russe, puis haussai les épaules en faisant la moue. Où était-il ?

Franck ne comprenait pas. A son tour d’essayer...

Moi j’avais saisi. Mon ami me proposait de courir me poster à l’abri de la guérite du gardien afin de pouvoir atteindre les flancs de l’ennemi, Franck me couvrirait durant cette course d’environ trente mètres.

Le compte à rebours fut lancé. Un, deux...

Franck se leva vivement et tira sur la zone des bidons, non sans avoir empli mes poumons d’air, je me ruai en avant conscient de ma folle témérité. Encore à mi-chemin, je sentis l’air siffler près de mon oreille, une force, comme un instinct, me commanda de me jeter au sol et de rouler.

C’est alors que je compris :

Le plafond du hangar était parcouru d’un réseau de passerelles, que tout près des vans se trouvait une échelle permettant d’y accéder, que le type qui avait disparu se tenait à ma verticale, et qu’il était en train de me prendre pour cible..

J’eus encore le temps de penser à la mort, à la mienne plus précisément. Dans ma maladroite roulade, j’avais lâché mon calibre 12, j’étais allongé sur le dos, les bras en croix. Un instant encore je crus voir une hésitation dans l’oeil du gangster qui, dix mètres plus haut, me visait méticuleusement...

Et puis cet œil implosa... Il fut en fait perforé... Par quelques centimètres d’acier... Résultat d’un tir magistral de Franck.

Aussitôt je fus sur mes pieds et repris ma course, sur ma droite le type de la porte m’avait aperçu et se retournait..

Abdel avait terminé le montage de son arme, il lui fallait trois secondes de répit, le temps d’aligner les deux crétins du toit qui s’étaient rapprochés.

Il mitrailla une dernière fois par-dessus sa tête et rampa le long de son abri.

Il n’avait qu’une tentative, si jamais le gars du rez-de-chaussée avait le temps de le verrouiller, il était mort...

Une respiration ample et profonde...Une roulade, et voilà Abdel un genou au sol, sur son épaule il place son SAM-14, vise et laisse partir le missile sol/air de douze kilogrammes...

C’est tout le bord du toit qui explosa, éparpillant les restes disloqués des deux gardes sur plus de soixante mètres...

Le souffle fit chuter le type de la porte aussi bien que moi, je fus debout le premier, dégainai mon Glock 19, et fis exploser le cœur de mon ennemi...

Des débris enflammés étaient tombés sur les deux fourgons qui menaçaient de s’embraser.

Un peu partout l’incendie se déclarait...

J’étais enfin arrivé à mon poste, et pouvais observer les deux russes restants, l’un était bien Vladimir, et l’autre Artyusha...

J’apercevai également Franck, assis dos à une SLK, à cours de munitions...

Je plongeai la main dans ma poche et en sortis une grenade...

-Tu devrais pas faire ça, mon pote !

Je me retournai brusquement. Venant de l’extérieur, Abdel, appuyé sur une sorte d’arme, approchait en boitant.

-Content de te voir ! Il a fait chaud dehors, non ? Demandai-je.

-C’était assez sportif, mais fais moi plaisir et range ta tomate. Répondit-il. Avec les vapeurs d’essence, toutes ces bagnoles là-bas, et les bidons de carburant au fond du hangar, faudrait peut-être se la jouer plus fine, OK ?..

Franck avait chaud au cœur de voir deux de ses meilleurs amis réunis pour le tirer d’un mauvais pas.

Ils allaient déclencher un tir de barrage sur les deux russes, lui permettant de courir les rejoindre...

J’avais emprunté la Kalashnikov de ma dernière victime, m’étais agenouillé, permettant à Abdel de tirer debout au-dessus de moi, avais épaulé mon fusil d’assaut, attendu le signal de mon nouveau frère d’arme...

Je pressai la détente...

La réaction de Vlad fut soudaine, au même instant, il sortit de son abri et se rua vers Franck, en hurlant, brandissant quelque chose...

Pas assez vive pour surprendre Abdel...

Six balles lui firent une écharpe sanglante de l’épaule à la taille...

Franck roula...il était à l’abri...

L’explosion, amplifiée par l’écho du hangar, fut assourdissante.

Vladimir, orphelin des conseils d’Abdel, avait peut-être manqué de jugement en courant une grenade dégoupillée à la main...

Les bidons explosèrent à leur tour,

les voitures rangées les unes le long des autres, entamèrent une réaction d’incendie en chaîne.

A ce rythme, dans une poignée de minutes, il ne resterait plus rien de l’entrepôt...

Artyusha l’élégant n’eut pas le temps de comprendre ce qui se passait, ni d’où venait ce choc qui pulvérisa ses organes, broya ses os, déchira ses chairs, d’où arrivaient ces flammes qui consumèrent sa peau...

Il n’eut pas le temps d’entendre la déflagration, ni même ses propres cris de souffrance...

Nous échangèrent tous trois quelques regards lourds de sens...

Epuisement, soulagement, amitié, reconnaissance, mais aussi de la peine...

Je compris instantanément dans les yeux de Franck que Tom et Noun ne rentreraient pas avec nous...

Nous étions tous les trois vivants, fiers et heureux de l’être.

Nous avions payé un lourd tribut à notre naïveté, innocents face au vice...

Un coup de feu éclate, Franck s’effondre...

Ça vient d’en haut, sur la passerelle...

Unis dans un même élan, Abdel et moi, levons nos armes et faisons feu...

Un seul geste, un seul son...

A nos pieds, s’écrase dans un fracas le corps sans vie de Sacha.

Deux trous ornent à présent son front...

Tout est fini...

Sur le chemin du retour, la camionnette croise des voitures de polices aux sirènes hurlantes.

Abdel est au volant, dans son rétroviseur, le hangar s’effondre, dévoré par les flammes.

A l’arrière, je suis assis parterre, sur mes genoux, la tête de Franck.

Il respire... La balle a touché l’épaule...Il va s’en tirer...Il dort...

Je pleure...Sur mes amis perdus... Sur ce que je ne pourrai plus partager avec eux...Sur ces mots que nous n’échangerons pas...

Je pleure... Sur Franck... Que j’ai cru perdre...  Que je sais atteint d’un mal incurable... Je l’ai lu dans son journal...  J’ai tout lu...   Son combat solitaire contre la maladie... Son angoisse face à la proximité de la mort... Son orgueil trop grand pour demander de l’aide aux autres... Sa souffrance...

Sa peur... Notre ignorance...

Je lui serre la main...  Tout allait changer... J’allais m’ouvrir, me tourner vers la vie, vers ce qui compte... Nous allions nous voir, nous rencontrer, nous parler... Enfin...

Je serai avec lui... toujours... Parce que c’est mon ami...

La pluie a cessé, Abdel allume la radio, il sourit, c’est du jazz

                                         FIN……………

15 mars 2005

OMISSION, épisode V:

La pluie tombait toujours, plus forte encore, et le toit de tôle ondulée du hangar amplifiait encore le vacarme.

La fourgonnette était sortie de la ville, et très vite les lumières extérieures avaient disparues. Ils avaient roulé encore, puis le véhicule s’était arrêté. On les avait fait descendre devant un immense entrepôt.

Et puis on les avait jetés dans une petite pièce vide sans lumière ni fenêtre.

Enfin, le son d’un lourd verrou avait clos tout espoir.

Ils étaient là tous les trois allongés sur le béton.

Noun ne saignait plus grâce au point de compression appliqué par Franck durant plus d’une heure, Tom avait déchiré sa chemise, et ils avaient pu nettoyer sommairement sa blessure à l’épaule. Mais lorsqu’ils l’avaient déshabillé à la recherche d’autres plaies, ils n’avaient pu réprimer ni leur dégoût ,ni leur colère. Outre l’impact dans le gras du ventre, qui n’avait pas était soigné, le corps de Noun était parcouru de coupures profondes et larges de deux centimètres, de brûlures de cigarettes, et d’ecchymoses, certaines de la taille d’un assiette à dessert. A présent, il dormait, et sa respiration calme et régulière emplissait leur cellule. Thomas grelottait, appuyé contre le mur, ils allaient mourir c’était sûr, et lui, il allait partir sans revoir Katarina.

Elle était peut-être déjà morte d’ailleurs, et ses meilleurs potes allaient crever par sa faute. Un frisson le parcourut. En face de lui, à peine visible, son ami le regardait.

-On va s’en sortir. Déclara Franck d’un voix douce. Je te le promets !...

-Je suis désolé lieutenant, mais je ne dispose pas d’effectifs suffisants pour partir à la poursuite de trois ou quatre disparus que personne ne recherche. Aboya le commissaire divisionnaire. Nous allons boucler cette affaire.

Il faut conclure au règlement de compte et donc, pas de balistique, pas d’ADN et pas d’enquête, c’est compris ?

-c’est plus compliqué que ç... tenta de répondre le jeune policier.

-Ça suffit !vous n’allez tout de même pas m’apprendre mon boulot ! Le coupa son supérieur. Sortez !

L’aube était venue, le froid s’était fait plus mordant, la rumeur de la cité avait forci, et la pluie avait, pour le moment, cessé.

Je parvins enfin à déplier mon corps engourdi, et à sortir de mon infâme abri. Mes larmes avaient coulé toute la nuit, j’avais pleuré sur ma faiblesse, ma lâcheté et mon orgueil, j’avais cru mourir de honte et d’impuissance, et puis, le calme était revenu. Caché à l’abri de mon tricot, j’avais découvert le carnet intime de Franck, et ce que j’y avais trouvé en achevant la lecture me fut si fort et si douloureux que mes plaies se refermèrent.

Je regardai ma montre. Sept heures trente six. Quelque part mes amis souffraient, mes frères agonisaient et j’étais le seul à pouvoir les aider.

J’en avais assez du doute, assez des entraves qui avaient limité mon existence. Pour avancer, j’allais devoir grandir, et pour grandir je devais affronter ma peur... Choisir la vie face à la mort...

-A..aa.lors, ils ont co..cogné, cogné, et puis y’avait le gr..gr..grand avec son cou..outeau, j’suis dé..ee..esolé les gars, j’ai honte mais j’ai p..p..parlé, je leur ai dit où v..vous étiez. Sanglotait Noun.

-T’en fais pas. Lui répondit Tom. On aurait pas fait mieux, pas vrai Franckie ?

-C’est vrai Noun ! Avec ce que t’ont fait subir ces enculés, t’avais plus le choix, ils t’auraient refroidi ces porcs !

-On a tou..tou..ou..jours le choix ! Répondit Noun en pleurant

-Arrête David, tu recommences à saigner, et puis merde !S’exclama Thomas. Rien ne se serait passé si je ne vous avez pas entraîné dans cette histoire de fou, si y’a un égoïste ici, un mec qui n’a pas pensé à ses potes c’est moi !

Franck regardait ses deux amis anéantis, assis sur le sol gelé, en haillons, barbouillés de sang, le visage ravagé par la peur et la culpabilité, le renvoyant à son propre echec. Il devait les protéger, et il avait failli...

Il ne connaissait qu’un remède quand la « gamberge » le prenait... L’action.

-Bon les gars quand vous aurez fini de chialer comme des gonzesses, vous pourrez peut-être m’aider à trouver une façon de bourrer le cul de cette bande de salopes.

J’attendais depuis plus d’une heure face à l’entrée de l’immeuble de Franck, je m’étais assuré que personne n’y montait la garde.

J’étais persuadé que la seule chance de retrouver mes amis, la seule piste menant à eux débutait dans cet appartement, et, la gorge serrée, je franchis la porte du hall.

L’ascension des étages fut lente et méticuleuse, chaque centimètre carré me rappelait la veille, je parvins devant la porte.

La première chose que je vis fut la banderole de ruban adhésif jaune frappée en noir de la mention « police ».

Les flics étaient donc venus...

J’étais sur le point de partir, lorsque je remarquai la deuxième chose... La porte était entrouverte...   

La porte s’ouvrit brusquement, et le russe entra revolver au poing...

La surprise se lut sur son visage sombre, alors que face à lui, seul se tenait Noun, assis en tailleur et un sourire radieux en travers de la mine.

A peine eut-il le temps de chercher des yeux les deux autres prisonniers, qu’il reçut les deux pieds de Franck, suspendu au plafond, en pleine tête. Le choc eut pour effet, d’une part, de contrarier définitivement la cicatrisation du nez de Vladimir et de l’autre de le mettre à terre, permettant à Tom, embusqué derrière la porte de se jeter sur lui et de lui arracher son arme.

Les trois hommes sortirent, Franck soutenant Noun.

Leur cellule donnait sur un immense hangar, où sagement alignées, des voitures volées de grandes marques attendaient d’être embarquées pour un long voyage.

Ils devaient faire vite...

A une cinquantaine de mètres, la lourde porte coulissante était ouverte à demi. Un coup d’œil... Pas d’autre issue.

-Allez, les gars, on y est presq... Eut juste le temps de prononcer Thomas avant que son crâne n’explose sous l’impact de deux projectiles de calibre 9x19 Makarov, le troisième se perdant dans l’aile d’un coupé Mercedes.

Atterrés, Franck et Noun, virent le corps sans tête de leur ami faire face quelques millisecondes encore, avant de s’effondrer, ridicule poupée de chiffon...

Ils ne firent aucun geste lorsque trois mafieux les plaquèrent au sol violemment et leur lièrent les poignets dans le dos.

Cependant, ils virent tous deux, le plus petit des trois, trapu, à la grosse moustache, les toiser du regard.

Aux lèvres un hideux sourire de mépris, à la main un pistolet mitrailleur de fabrication polonaise encore fumant... 

Les stores avaient été baissés, et le loft était plongé dans les ténèbres...

Des meubles brisés, du plâtre au sol faisant crisser mes pas. Je ne pus résister à l’envie d’allumer la lumière, et recherchai fébrilement au sol, une hypothétique silhouette crayonnée en blanc, signe que la police avait découvert un cadavre...

Je fus un peu soulagé en n’observant que quelques traces de sang, et souris en me disant que nous avions bien fait de nous installer ailleurs que chez moi.

Deux possibilités s’offraient désormais. Soit mes amis étaient chez les flics, mais la messagerie de mon mobile était toujours vide, soit ils avaient été enlevés par les gangsters, et toujours entre leurs mains. La troisième hypothèse, celle qui envisageait leur mort, je n’en voulus pas. J’étais assis sur un fauteuil épargné par la bataille, lorsque j’éprouvai une impression étrange... Je n’étais pas seul...

Franck observait David, ce garçon si grand, si fort, si généreux était dans un tel état. Blessé, affligé, brisé, il s’était blotti dans un coin de la pièce, et des larmes muettes descendaient le long de ses joues charnues.

Il comprenait sa détresse. Le grand-père de Noun avait été déporté en quarante-trois, et était mort à Buchenwald. Souvent, ils avaient discuté de cette époque troublée, auraient-ils été pires ou meilleurs que les autres, des héros, des lâches ou autre chose encore. Il aurait aimé pouvoir aider son ami.

Mais il se savait bien peu doué pour les paroles réconfortantes. Et après tout, lui, il se débrouillait seul, tout seul...

Franck dut se mordre les lèvres pour ne pas céder à l’impérieuse envie de craquer, ils allaient sûrement mourir, c’était une question de minutes maintenant, il devait s’y préparer... Trois heures passèrent...

La porte grinça, puis s’ouvrit... C’est l’heure, se dit-il...

-Bordel de bordel ! Je savais que c’était trop chaud de faire chier les russes, c’est des malades ces mecs ! S’exclama Abdel.

En face de lui, assis sur les vestiges de ce qui fut un canapé, la tête dans les mains, je venais de raconter les dernières quarante-huit heures à mon interlocuteur.

-Je ne sais pas s’ils sont encore en vie, répondis-je éprouvant le besoin de me lever pour marcher quelques pas, je vais appeler la police.

-Oh la, j’aime pas trop les keufs moi. Ne put s’empêcher de lâcher Abdel, alors que, fâce à la fenêtre, je composais déjà le 17 sur mon téléphone.

Quelques minutes encore, et nous nous retrouvâmes face à face, plongés dans le silence.

Le fonctionnaire de police venait de nous apprendre qu’aucun des noms cités par moi n’avait fait l’objet d’une interpellation, ni d’aucune ouverture d’information.

-Bordel, ça nous laisse deux solutions, et comme je peux pas croire que Franckie soit mort, il faut que je me grouille de le sortir de cette galère de ouf !

-Par quoi on commence ? Demandai-je timidement...

-Alors ! Vous être vilains petits garçons qui frappent mes soldats. Vous mêler de mes affaires ! Pas bon !

Monsieur M. devait avoir la cinquantaine.

Plutôt grand et longiligne, ni ses traits réguliers, sa fine moustache et ses cheveux gris, ni ses vêtements décontractés, ni même la puissance de son accent slave, ne pouvaient laisser penser qu’il était à la tête d’une organisation criminelle aussi cruelle que puissante.

A sa droite, toujours aussi élégant dans un costume clair le blond, Artyusha souriait.

Derrière eux, on pouvait encore remarquer les deux gorilles, Igor, tête d’œuf, emmitouflé dans son cuir, et Vladimir, un pansement barrant sa face, son survêtement noir et sa coupe d’inspiration militaire ne prêtaient plus à sourire.

Plus loin, encadrant la porte, deux hommes plus petits, portant des treillis kakis et des fusils d’assaut en bandoulière. L’un d’eux était l’assassin moustachu de Thomas.

Enfin, d’autre formes, à l’extérieur, trahissaient la présence de renforts.

-Moi présenter quelqu’un à vous. Reprit monsieur M....

Quartorze heures trente neuf, je regardais en silence la pluie frapper la vitre du combi WV. Nous avions déjeuné, Abdel et moi, sans un mot, conscients de la nécessité de stocker de l’énergie. Puis, nous nous étions rendus dans une cave, appartenant à un ami du jeune maghrébin, et là, j’avais découvert un véritable arsenal, j’ignorais le nom et le mode de fonctionnement de la moitié des armes présentes.

Après qu’Abdel eût fait son choix, nous reprîmes la route, toujours sans parler, seule une cassette de reggae, usée à force d’être écoutée, venait entamer la gravité du moment.

Abdel avait enfin desserrer les dents pour m’expliquer que la pègre de l’est, et plus particulièrement la russe, avait pour territoire la vaste zone industrielle à l’ouest de la ville, leur offrant un véritable labyrinthe où dissimuler leur butin et autres trafics.

Enfin, nous nous étions arrêtés sur une hauteur dominant cette multitude de hangars et d’entrepôts où la police ne s’aventurait jamais, de crainte d’y faire des mauvaises rencontres.

J’essayais de voir par delà la pluie, par delà les murs gris, les lourdes portes d’acier, je savais que là, en bas, dans une de ces immondes bâtisses, mes amis les plus chers étaient en train de souffrir, et cette proximité m’était insupportable. Je savais qu’il en était de même pour Abdel qui, à l’extérieur du véhicule, les mains crispées sur ses jumelles, scrutait inlassablement la zone à la recherche du plus petit signe de présence.

Soudain il se figea et fit un signe de la main. Il avait vu quelque chose...

Franck et Noun oscillaient entre une admiration béate et une insondable peine.

C’etait donc elle... L’élégante brune était entrée, et c’était comme si les secondes s’étaient figées, cette démarche princière, si lasse et si légère, ces courbes harmonieuses, ces proportions parfaites, cette soyeuse chevelure de geai encadrant un émouvant visage, dont la pâleur était soulignée par un regard abyssal, ces yeux si bleus qui lançaient des éclairs de colère et de tristesse...

C’était donc elle... Pour elle, que Thomas avait tout risqué, et pour elle qu’il était mort.

L’envoûtante créature acheva son entrée, et l’instant de grâce cessa.

Franck remarqua aussitôt les marques bleues qui enserraient les poignets de Katarina, la poésie avait fait place à la brutale réalité.

-Je suis vraiment désolée. Souffla-t-elle, alors que ses yeux s’embuaient.

Elle avait aimé Tom, ils en étaient sûrs maintenant, et cette pensée leur fit l’effet d’une caresse.

Le rire sonore de monsieur M., aussitôt amplifié par ceux de ses hommes, les ramena à leurs chaînes.

-Moi très ému !  Petits français pas résister à nos putes. Moi avoir travail. Adieu !

Le chef mafieux tourna les talons et se dirigea vers la porte entraînant derrière lui une partie de sa suite.

-Oh ! Moi oublier. Dit-il en se retournant brusquement. Moi détester deux choses. Première chose, infidélité.

Il lança un regard en direction de son lieutenant.

-Igor pajalousta ! Ordonna Art.

Lentement, le chauve extirpa le long poignard de combat de sa botte, assura sa prise, et frappa...

-Là ! Derrière le bâtiment rouge et blanc, tu vois les trois bagnoles, le BM série 7 gris et les deux X5 noirs. S’exclama Abdel. Ces caisses sont pas ici par hasard bordel !

A ses côtés, je ne pus réprimer un frisson...C’est là que tout allait se jouer...

La lutte fut bien inégale entre la délicate gorge de Katarina, et la lame effilée d’Igor...

Franck et Noun, comme accoutumés à l’horrible ne firent pas même un geste.

La petite princesse au blême visage gisait au sol, au milieu d’une mare de sang, figée pour toujours dans une posture sans élégance...

-Deuxième chose. Poursuivit monsieur M.. Curiosité ! Un ami à vous déjà mort, un autre libre, moi devoir faire exemple, un de vous devoir mourir, autre pouvoir vivre et méditer, si lui me dire où trouver ami à vous. Si vous garder silence, mort pour tous les deux. Voilà ! Messieurs, moi vous laisser avec Artyusha, vous avoir trente minutes...

-Regarde ! des types sortent de l’entrepôt !Hurla Abdel. Bordel ils montent dans les bagnoles, ils se cassent, c’est le moment d’aller voir !

-On y va putain ! répondis-je la boule au ventre.

Nous montâmes dans notre véhicule et le camouflâmes dans la cour d’un hangar à l’abandon.

-OK man ! Commença Abdel. Je sais pas ce que tu vaux, si tu flippes, attends moi ici

-Mes amis sont dans ce bâtiment. Répondis-je montrant de la main le gigantesque entrepôt rouge et blanc à cinquante mètres de là.

-C’est bon pour moi mec. Poursuivit le jeune maghrébin. Je vais essayer d’entrer par le grand portail là-bas dans cinq minutes, ça devrait mettre le souk. Pour toi, doit y avoir une entrée de l’autre côté, t’as qu’à prendre ce que tu veux dans le coffre de la tire. Moi, j’ai c’qu’il me faut bordel ! A plus man !

Je regardai Abdel s’éloigner en trottinant à l’abri des rangées d’arbustes, glissai dans ma ceinture un automatique noir, empoignai un fusil à pompe, et engouffrai deux poignées de cartouches dans les poches de mon imper.

Je pris dans ma main une grenade défensive, la reposai, finis par la glisser dans ma poche et respirai une grande bouffée d’air. La pluie avait repris, j’enjambai un petit mur et me dirigeai au pas de course vers l’arrière du hangar...

C’était le pied du mur, je devais entrer dans cet entrepôt, j’avais des choses à dire à mes amis...

Franck et Noun étaient à nouveau seuls. De l’horreur qui fut, seules subsistaient au sol quelques traces sanglantes.

Les deux amis se tenaient face à face aux deux extrémités de la pièce. Noun, adossé à un angle, pleurait, tandis que son poing fermé martelait le sol au poing d’en avoir les phalanges à vif.

De l’autre côté, Franck, semblait attendre stoïquement sa fin toute proche.

-Je je veux p..pas que tu meu..eures t..t..toi aussi ! Dit le géant.

-Au point où on en est mon pauvre Nounours. Répondit Franck en souriant. Je pense qu’on va y passer, mais ils auront pas Alex. Tu sais, quand on y pense, on peut s’habituer à l’idée de sa propre mort, la seule chose qui fasse vraiment mal au bide, c’est de penser qu’on va crever tout seul...

-T’es pas tout seul. Poursuivit Noun en se levant pour s’asseoir près de son ami. T’es pas tout seul...

A SUIVRE……………

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9 mars 2005

OMISSION, épisode IV:

Soudain, propulsé par une énergie insoupçonnée, Thomas releva la tête et se jeta sur Art, le bousculant suffisamment pour qu'il trébuche et lâche son pistolet.

Profitant de cette diversion bienvenue, après avoir shooté dans le 45 du russe, je me ruai sur la porte, l'ouvris, et me précipitai dans l'escalier.

 

A l'intérieur, c'était la panique, Tom, à califourchon sur Art l'élégant, le bourrait de coups de poing, provoquant l'incontournable réaction des gorilles.

Igor, ou crâne rasé, n'était qu'à quelques mètres de la scène et il se lança aussitôt à la poursuite du fugitif, regardant au passage d'un air amusé son compatriote si bien vêtu se faire corriger par un musicien aux cheveux longs.

Vladimir et ses bouts de coton se trouvait à l'étage lorsque la bagarre éclata, il analysa la situation, rangea son Smith et Wesson spécial police de calibre 38 dans sa ceinture et descendit calmement de la mezzanine.

Savourant le plus possible le spectacle qui s'offrait à lui, il s'approcha de la mêlée et empoigna fermement la tignasse de Thomas...

 

Je dévalai les étages plus vite que je ne m'en serais cru capable, plus qu'un et je serai dehors, j'aurais alors tout le temps de me reprocher ma fuite et de réfléchir à un moyen d'aider au plus vite mes amis. Plus haut, j'entendai les pas, le souffle et ce qui devait être les jurons de mon poursuivant, j'avais un étage d'avance, ce qui, une fois à l'extérieur, représentait environ une trentaine de mètres, distance faisant de moi une cible complexe, surtout dans une ville où on ne se tirait pas dessus en plein centre ville, du moins en règle générale... Du moins l'espérais-je...

 

La douleur arracha un cri à Tom lorsqu'il eut l'impression qu'on lui décollait les cheveux de la tête. Il dut lâcher prise et se relever, les deux mains occupées à soulager son crâne, il ne vit pas arriver la colonne de marbre faisant un si bel effet dans l'entrée du loft. Le choc fut violent et il perdit connaissance...

-On bouge plus les p'tits pédés et on lève les pattes !hurla Franck.

Il avait tout de suite vu que quelque chose clochait dans l'entrée de Noun et, après avoir sauté derrière le canapé, il avait rampé de poufs en table basse, de plante verte en fauteuil, afin d'échapper aux regards. Il avait ensuite espéré une diversion quelconque de ses potes, et elle était venue...

Les deux pieds solidement campés sur le plancher, jambes légèrement fléchies, il tenait son arme à deux mains, sans trop la serrer, les sens aux aguets.

-Toi la poutre, tu vas tout doucement sortir ton calibre de ton froc et le poser délicatement sur le sol, puis tu vas le pousser du pied vers celui de ton collègue, rajouta Franck rendu confiant par les dix-sept cartouches que contenait son arme.

Les deux gangsters, ahuris par le retournement de situation, s'exécutèrent.

-Ne prenez pas de risques inconsidérés, monsieur.. ? cracha Art, la bouche pleine de sang.

-Pour l'instant, connard t'es dans la merde, alors ferme ton museau. Répondit Franck.

Thomas revenait à lui, une bosse au front et un marteau-piqueur dans le crâne.

-Tom, ramène toi !

Puis le silence se fit, semblant durer une éternité durant laquelle les hommes se jaugèrent...

 

Plus que trois mètres, deux, un. Je franchis comme un boulet la porte restée ouverte. J'avais conservé la même avance sur mon poursuivant, qui vociférait sur mes talons.

Sans doute cherchait-il à alerter le fameux Sacha, que je ne tenais pas à rencontrer à nouveau.

Voeu pieux, mais hélas sans effet...

Face à moi, ouvrant les bras pour m'intercepter, un tronc d'arbre, près de cent cinquante kilos de muscle, moulés dans un petit pull-over, occupant à lui seul la largeur du trottoir, il est à dix mètres, à droite les immeubles de la rue.

 Les portes habituellement closes et protégées de digicodes et autres interphones, renforçant un fausse impression de sécurité censée lutter contre un artificiel sentiment d'insécurité.

A gauche une rangée de véhicules garés les uns contre les autres, puis une artère centrale de la ville, où des bolides lancés à vive allure dessinent des traits de lumière dans la nuit, et derrière moi, à quelques pas, la brute chauve à l'énorme flingue.

On disait de moi que j'étais un garçon posé et réfléchi, manquant parfois de spontanéité. J'avais en effet horreur des imprévus, et j'aimais par-dessus tout me donner le temps de réfléchir à mes choix.

Rebrousser chemin, m'obligerait à ralentir mon allure et permettrait à Igor de revenir sur moi, peut-être même de tomber sur moi, en tous cas cela raccourcirait sa distance de tir : Option abandonnée.

Même résultat si j'essayais de sonner aux portes voisines...

Traverser en courant, sous la pluie et de nuit cette avenue mortelle : Très peu pour moi.

Un seul choix possible, affronter le géant, semblait-t-il désarmé, le passer, et disparaître dans le dédale des ruelles adjacentes.

Et cette perspective ne m'enchantait pas du tout...

 

A l'étage Franck hésitait.

Comment protéger ses amis ? Où était Alex ?

Les deux mafieux rendus comiques par leurs bouilles grimées de sang lui lançaient des regards assassins, à ses cotés il pouvait sentir la rage et la peur de Thomas, plus loin le corps inerte de Noun.

Les batards ! Il l'ont buté ! Songea Franck.

Il savait que sa marge de manoeuvre était étroite. L'ennemi connaissait son adresse et certainement l'identité de tout le groupe. Les laisser repartir, c'était des représailles assurées.

 Les livrer à la police, c'était trahir la promesse faite à Tom, et faire courir d'énormes risques à Alex et Katarina.

La sonnerie d'un téléphone mobile troua le silence pesant.

-Laisse sonner salopard ! Ordonna Franck, alors qu'Art esquissait un geste vers sa poche intérieure.

-Vous avez tort. Répondit le chef des russes. En ce moment même, mes hommes postés en bas cherchent certainement à me joindre pour m'annoncer la capture de votre ami fuyard, si je ne leur réponds pas, ils sauront que j'ai des difficultés avec vous, et alors, après lui avoir ouvert la gorge, ils viendront s'occuper de vous. Et ne croyez pas qu'ils se soucieront d'épargner ma vie ou celle de Vladimir.

-Qu..qu'ils  vi..viennent ! S'écria Noun, qui au prix d'un effort colossal était parvenu à se redresser. Son corps n'était que douleur, il savait les plaies, les fractures et les contusions.

-David ! Ça va ? J't'es cru mort mon pote. Lui dit Thomas.

Noun parvint péniblement à se mettre sur ses jambes.

-Vous voyez messieurs. Continua le russe. La situation n'est pas si grave, si vous vous montrez raisonnables, et si vous promettez de vous mêler de vos affaires, je pense que nous sommes quittes et je suis prêt à passer l'éponge.

-Cette pédale nous bourre le mou les gars, mais je veux pas décider tout seul. Reprit Franck. On est pas si peinard que ça.

Les trois amis échangèrent des regards perplexes et angoissés, l'espace d'un instant ils découvrirent entre eux un nouveau lien, leurs destins étaient imbriqués désormais...

C'est cet instant précis que choisit « nez de coton » pour passer à l'attaque, profitant du trouble de ses adversaires, il se saisit d'un vase aux formes et aux couleurs harmonieuses, et le lança vigoureusement sur Franck.

Dans la même seconde, son chef, plongea sa main droite dans son ample veste, et l'en sortit munie d'un pistolet de calibre 6.35, arme de faible puissance, toutefois suffisante pour donner la mort.

Franck déséquilibré par l'impact du vase, n'eut d'autre choix que de laisser échapper les deux brutes de sa ligne de mire.

Thomas et Noun, l'un surpris, l'autre groggy ne firent aucun geste.

Vlad et Art, témoignant ainsi d'une longue pratique commune de ce genre de situation, agirent un nouvelle fois de conserve. Le premier roula derrière un fauteuil, tandis que l'autre bondit à l'abri du bar.

Franck, enfin prêt à agir, attrapa Tom par le col et l'entraîna avec lui par-delà le canapé, juste avant que les premiers coups de feu n'éclatent. Il répliqua sans vraiment viser, conscient que son sofa, pour épais qu'il fut, ne les protégerait pas très longtemps, et que son ami Noun titubait dangereusement au centre de cette furie...

 

Je n'étais plus qu'à cinq mètres du mur de muscle me séparant du salut.

Selon toute logique, une telle masse ne pouvait se déplacer très aisément, aussi je comptais baser mon plan sur ce principe...

J'allais feindre un ralentissement, donner l'impression d'hésiter, puis esquisser un démarrage brusque vers la gauche, cependant ce serait bien à droite, c'est-à-dire par l'espace le plus réduit, entre le russe et les bâtiments que je placerais ma véritable accélération...

Soit les dieux du sport étaient occupés ailleurs, soit ils étaient russes.

A peine eus-je entamé mon sprint final, certain que ma préparation tactique avait réussi, que Sacha se tourna brusquement vers moi et me saisit par le col.

Le choc fut grand, à la mesure de ma déception. Sacha, ajusta sa prise, il soulevait maintenant sa victime, qui ne touchait plus terre, il me plaqua contre le mur afin que je cesse mes gesticulations, du coin de l'œil, j'aperçus Boris qui venait vers moi, rengainant son arme. 

Je vis le sourire sur le visage du chauve qui composait un numéro sur son mobile, et je vis ce sourire s'éteindre aussi vite qu'il était apparu. Quelque chose ne se passait pas comme prévu...

 

Dix, onze, douze, treize cartouches déjà, et la situation de Franck ne s'améliorait pas. Le feu adverse s'était intensifié, et il ne pouvait plus se permettre de sortir la tête de son abri. Il brûlait cependant de vérifier la position de Noun et de savoir si le bruit sourd, entendu il y a quelques secondes avait un rapport avec lui.

-Enculé ! il faut faire quelque chose ! Hurla Franck. Je vais essayer de te couvrir, toi, tu fonces vers la gauche, vers ce fauteuil, y'a leurs flingues tout près ! Ok ? Tom tu m'entends putain de merde ?

A ses côtés, Thomas, le visage dans les mains, était paralysé de peur.

Combien de temps pourraient-ils encore tenir ?

Soudain, la partie supérieure droite du canapé fut arrachée, faisant suite à un déflagration plus violente que les précédentes.

Pour Franck, une cause : L'entrée dans le combat d'un revolver de gros calibre, sans doute du 44, et une explication : Le retour du chauve et de son flingue de concours.

Dès lors, leur position devenait intenable. Encore quelques secondes, et son pauvre canapé design ne serait plus qu'un souvenir. De plus le retour si rapide d'Igor ne pouvait signifier qu'un chose, la capture d'Alex.

 

Dans le hall, le géant russe, une main fermement rivée à mon col me regardait débiter des tonnes de mots, dont il ne comprenait pas le dixième. La trouille me rendait bavard à l'extrême, mes muscles semblaient indépendants.

En haut les coups de feu s'étaient fait plus intenses quelques instants, puis, tout avait cessé.

J'étais écrasé contre le mur en marbre, il allait me tuer, c'était certain.

A mes pieds un bac à plantes. Agir, vite...

Je prends un poignée de terre et la lui jette au visage, il crie et me lâche,

ramasser quelque chose, là, le vase, alors frapper, frapper encore, et encore, il s'écroule, en silence, frapper encore...

Puis, tremblant de trouille et d'adrénaline, disparaître dans la nuit urbaine...

 

Thomas commençait à reprendre le contrôle de ses actes. Bien trop tard, pensait-il.

Assis sur le sol, il regardait médusé, le loft éventré, défiguré, par une poignée de secondes d'une lutte acharnée.

A sa droite, assis et entravé comme lui par de la ficelle à rôti, Franck, le regard noir de celui qui avait dû se rendre pour peut-être ne pas éviter le pire, à sa gauche, la grande carcasse étendue de son ami Noun, inconscient mais respirant faiblement, une nouvelle tâche écarlate à l'épaule gauche, en face, à quelques mètres, le visage satisfait et méprisant, quoique tuméfié, d'Artyusha, téléphonant une nouvelle fois, sans doute pour prévenir son maître de sa victoire totale, derrière lui, Igor, aussi expressif que son revolver.

Vladimir était descendu, sans doute pour récupérer Alex et le monstre.

-Tu crois qu'on peut encore s'en sortir ? Demanda-t-il à Franck.

-Tu sais mon pote, tant qu'on est pas bouffés par les vers, y'a toujours des solutions. Répondit l'aîné du groupe.

Dans l'entrée, Vlad était apparu, la mine blafarde, et chuchotait dans l'oreille de son chef des mots qui transmutèrent son allure triomphante en une misérable moue de dépit.

-Regarde ! Reprit Franck. Il s'est passé quelque chose qui lui brise les roustons, et ça, pour nous c'est forcement bonar !

Les deux gorilles soulevèrent Noun, tandis que leur chef, les menaçant d'une arme, faisait avancer Franck et Tom.

Ils dévalèrent rapidement les étages, conscient que la fusillade avait certainement été entendue, et que les forces de l'ordre n'allaient plus tarder...

Dehors, face à l'immeuble, les attendait une fourgonnette verte aux vitres opaques. Noun y fut jeté et ses deux amis invités fermement à y prendre place.

Au fond, gisait une forme humaine roulée en boule et inconsciente.

Lorsque le véhicule s'ébranla, Igor au volant, Art à ses côtés, et Vlad à l'arrière, son arme pointée vers les prisonniers, Ils aperçurent, illuminé par l'éclairage public, le visage de la pauvre forme sanguinolente.

-Je sais pas comment il s'est démerdé. Murmura Franck, Mais Alex a pu le niquer et s'en tirer. Et ça, c'est une vrai chance...

 

Blotti entre deux containers à ordures, dans l'apparente tranquillité d'une ruelle déserte, le corps pris de tremblements nerveux, je pleurai en claquant des dents.

Jamais je n'avais eu aussi peur, jamais je n'avais considéré la mort, ou même la souffrance avec autant de proximité. Après tout, je n'étais ni un flic, ni un voyou, et encore moins un héros, je réalisai que j'avais présumé de mes forces et de mon courage. Mais quelle folie !

Penser que quatre « gamins » imaginatifs pouvaient contrer des hommes endurcis et impitoyables.

Quel orgueil démesuré avait pu me faire oublier, l'espace d'un instant, la réalité de ma lâcheté ?

Malgré les avertissements de Franck, le seul d'entre nous à mesurer sérieusement les risques, j'avais insisté, c'était moi le responsable, j'aurais pu tout arrêter, mes amis avaient confiance en moi, ils m'avaient suivi et maintenant Noun était mort, et peut-être Tom, et Franck, morts, aussi...

Et c'était de ma faute. A présent, je le savais, les chances de survie de mes amis, s'ils étaient encore en vie, étaient très minces. Il fallait que je me lève, que j'aille voir la police, et que je me décharge de cette responsabilité abrutissante.

J'en étais incapable, mes jambes refusaient de me porter...

 

-Y'en a encore un là, lieutenant !

-Merci, Marc, cela fait donc trente-huit impacts, répondit le lieutenant T..

Les cheveux élégamment tirés en arrière, vêtu d'un bomber noir et d'une paire de jeans, il contemplait incrédule le spectacle de désolation offert par cet appartement.

-Ouais, et d'au-moins quatre calibres différents, ça a été Fort Alamo ici !Enchaîna le brigadier-chef.

-Et bien sûr les voisins n'ont rien vu. Poursuivit l'officier.

 Je ne pige pas ce qui s'est passé, apparemment, trois ou quatre types campaient dans ce loft, en plus du propriétaire, un certain Franck G., et ils ont eu de la visite...

-Et y'a eu du pet, !Coupa le subalterne.

-L'analyse des traces de sang nous dira combien de blessés, la balistique, combien de tireurs, et l'épluchage des bagages des campeurs peut-être davantage. Je me demande où tout ce beau monde a pu se tirer ?

A SUIVRE……………

7 mars 2005

OMISSION, épisode III

-Kto ti ?

La voix éclata dans le dos de Noun, un morceau de pizza à la main, il fut subitement conscient du ridicule et de la précarité de sa situation.

Il se retourna lentement, et vit un type, aussi musculeux qu'antipathique, à la brosse soignée, vêtu d'un survêtement noir, pointant sur lui un revolver, qui bien que de petite taille, semblait extrêmement menaçant.

-Kto ti ? Répéta le type.

Noun réfléchissait. Le russe en face de lui semblait déterminé, ne prêtant aucune attention aux trombes d'eau qui se déversaient maintenant, trempant son survet et ruisselant le long de ses mâchoires carrées.

Il devait trouver quelque chose à dire ou à faire, il ne pouvait se résoudre à décamper, comme le type lui suggérait de faire d'un mouvement de poignet. Les longs discours n'étaient pas son fort...

Noun, parodiant un célèbre volatile, laissa choir sa prise, et profitant du regard dégoûté que le gangster lança à sa pitance humide, se jeta dans ses jambes.

Le choc fut violent, faisant rouler les deux protagonistes le long d'un talus, et projetant au loin le 38 spécial.

Noun anticipant leur trajectoire fut le premier sur ses pieds, et assena un lourd coup de genou à son adversaire qui tentait de se relever. Le coup arriva en pleine face du culturiste provoquant un craquement et l'envoyant sur le dos à trois bon mètres de là. Cependant, mû par une volonté hors du commun, le russe réussit à se redresser avant d'être rejoint par l'ami de Thomas.

Deux gestes, très rapides, le premier, de la jambe faucha Noun alors qu'il se précipitait, le second jetant les quatre-vingt kilos du mafieu sur sa poitrine lui arrachant un cri de douleur.

Les deux hommes roulèrent à nouveau cherchant mutuellement à prendre l'avantage, qui par une tentative d'étranglement, qui par une clef de bras. Noun parvint enfin à regrouper ses genoux et à propulser son ennemi assez loin pour se retrouver debout face à lui. Ils se regardaient, le souffle saccadé, dégoulinants de pluie et de boue, le russe pissait le sang...

La brute de l'est chargea, enchaînant coups de pieds et de poings avec une vitesse étonnante, Noun, la rage au ventre, en esquiva quelques uns, en bloqua d'autres, mais la violence de l'attaque et la douleur croissante qu'il ressentait au niveau du sternum, ne lui permirent ni de répliquer, ni d'éviter un crochet à l'oreille, l'étourdissant quelques secondes et lui faisant craindre le pire. Alors, l'espoir changea brièvement de camp...

 

 

Thomas se sentait comme un fauve en cage, ses côtes lui faisaient mal, et il terminait son second paquets de clopes, lui qui avait arrêter de fumer depuis vingt-deux jours. C'était sa dix-neuvième tentative, et c'était son record...

Grâce à... Elle.

Le retour violent de Katarina dans ses pensées décupla sa rage et il frappa durement le mur de son poing...

Sa colère était toujours là, intacte, et maintenant, son poignet le faisait souffrir.

Comment pouvait-il rester inactif alors que ses amis prenaient certainement des risques insensés pour retrouver sa princesse slave ?

Il n'avait pas été traîné dans sa salle de bain, il s'y était réfugié, terrifié, avant que le colosse ne l'y rejoigne pour le cogner. Etait-il un lâche ? 

Pourquoi pour la première fois de son existence, le sort d'une autre personne...Elle, devenait-il plus important que tout ?

Il froissa nerveusement son paquet flanqué du dromadaire. Il avait d'urgence besoin de quelque chose, mais de quoi ?

Il se leva et entreprit une fouille systématique du salon...

 

 

Noun, concentré sur sa défense, heurta en reculant un objet sur le sol. Il en était sûr, son pied était posé sur le revolver du type. Cette bouffée d'adrénaline lui permit plus d'audace, il fit un pas en avant, pénétrant la garde adverse, et se saisissant de la veste de survêtement, donna le plus puissant coup de boule de sa vie... son écoeurant.

D'un bond, il ramassa l'arme et la pointa sur la créature qui gisait à ses pieds...

Noun souriait, satisfait de l'issue du combat. Cependant, une chose l'intrigua.

Le russe se relevait, le nez en bouillie, mais un grand sourire aux lèvres.

-Po..pourquoi tu te te ma..aa.rres du.du..con ? Demanda Noun.

Pour toute réponse, il entendit un coup de feu, et le bruit grotesque d'un projectile pénétrant son corps.

Il sentit rapidement ses forces décliner. Le chauve venait vers lui, prononçant des mots etrangers... Les sons se perdirent, il sombra...

 

Les coups de feu claquaient dans le sous-bois humide.

Les balles sifflaient dans la pluie et faisaient éclater l'écorce des bouleaux.

Franck s'exerçait au tir depuis bientôt vingt minutes, et commençait à maîtriser le Beretta 92F, cadeau d'Abdel.

Il regarda sa montre ; Quatorze heures et trente neuf minutes. Il se demandait ce que faisaient ses compagnons.

Quoi qu'il en soit, il ne disposerait pas des infos d'Abdel avant le lendemain et il serait certainement, pour l'heure, plus utile auprès de ses amis. De plus, l'idée de laisser des personnes seules chez lui, et même ces personnes, le rendait nerveux. Il avait toujours eut du mal à se livrer, à faire confiance et aujourd'hui encore, il devait payer un inconnu pour lui dire sa peine, sa peur, sa douleur et sa solitude.

Il rechargea l'arme, la glissa dans son jean, ramassa les douilles, vérifia les trois chargeurs restants et remonta dans son élégant coupé.

Le véhicule quitta le chemin forestier et regagna la nationale. Quelques minutes plus tard Franck circulait dans le flot ininterrompu des voitures de la ville.

Etait-ce la frustration d'avancer moins vite qu'un piéton ? D'où venait ce sentiment d'urgence, cette impression qu'il devait, au plus vite, rejoindre son loft ?

Franck ferma les yeux une seconde. Son instinct l'avait rarement trahi, son loft n'était plus très loin.

Il se gara et se dirigea en courant vers son adresse, incapable de réprimer son inquiétude...

 

L'escalier grinça derrière moi, je me levai d'un bond et fit face à l'intrus tenant dans mon dos ma précieuse découverte.

-Ah t'es là ! Lança Thomas. J'ai plus rien à fumer. Tu sais si y'a des clopes ici ?

-Euh...Non . Bredouillai-je. Je me sentais coupable et à la fois je jubilais, il n'avait rien vu, c'était sûr...

-Mais qu'est-ce-que t'as ? T'es tout blanc ! Tu fais quoi dans la chambre de Franck ?

Je fus instantanément déçu par mes capacités de dissimulation et de clairvoyance. Il  fallait me reprendre et vite, je n'en savais pas encore assez pour lui en parler. Et puis je n'avais jamais vraiment apprécié d'être pris en faute.

-Rien de spécial ! Répondis-je génialement. Allez, viens, je vais nous faire à manger, ça m'empêchera de gamberger et toi, ça t'empêchera de fumer, mais au fait t'avais pas arrêté ? Direction la cuisine ! Je te suis !

J'emboîtais le pas de Tom dans l'escalier, glissant le carnet sous mon pull-over. Au même instant, Franck tournait sa clef dans la serrure.

-Franck ça va ? Hurla Thomas. J'ai flippé toute la matinée. Noun est pas avec toi ?

Il avait l'air anxieux, et nous regardait Tom et moi, à la recherche de quelque chose d'anormal.

-Y'a un problème? Lui demandai-je à voix basse.

-Non ! tout baigne ! j'ai juste les crocs.

-C'est parfait, je vais nous faire des pâtes. Un kilo pour nous et un kilo au cas où Nounours nous rejoindrait.

Cette remarque, allusion classique au légendaire coup de fourchette de notre ami, suffit à balayer les doutes de la matinée et à regonfler le moral de tous. Seule, une once de culpabilité subsistait au fond de moi.

L'agitation autour d'une cuisine nous rappelait tellement de souvenirs, tant de fois nous nous étions retrouvés ensembles autour d'un fourneau, tout reprenait sa place, chacun de nous entrant dans son rôle, costume étroit mais sur mesure. Plus question de personnel, bientôt la conversation se ferait machinale, rassurante.

Le temps d'un repas, le dernier que nous prendrions ensemble, nous oubliâmes les ombres qui planaient sur nous, et, repus, nous nous laissâmes même aller à la plaisanterie.

Enfin, bercés par un air de jazz, quelques chauds traits de soleil nimbant la vaste pièce, nous nous glissâmes dans une paisible sieste avec, l'impression diffuse de vivre le calme avant la tempête...

Dix-huit heures. La montre Chrono de Franck venait de sonner, brisant net nos songes.

Il faisait froid à présent, la lumière avait fui, et on n'entendait que le ronflement de la platine disque de Franck, sur laquelle continuait de tourner, à vide, un rarissime vinyle du Duke.

-Déjà six heures et pas de nouvelles de David.

-Tu crois qu'il a pu lui arriver quelque chose ? Demanda Thomas.

-Sûrement pas. Répondit Franck avec la désagréable impression qu'il n'avait dit cela que pour essayer de rassurer tout le monde, lui y compris, et qu'il avait échoué...

-Je pense que nous pouvons lui laisser encore un peu de marge pour nous rejoindre, après tout c'est moi le malade de la ponctualité. Rajoutai-je.

-Et puis ? Demanda Tom.

-S'il est pas rentré dans une heure, j'irai le chercher. Dit calmement Franck. Jusque dans le trou du cul des russes !

-Et j'irai avec toi. Affirma Tom

-On ira tous les trois. Dis-je, sans conviction.

Durant l'heure qui suivit chacun essaya de se préparer à l'action, tout en la redoutant...Nous nous regardâmes, incapables d'apaiser notre angoisse...

Lorsque la clef actionna la serrure de la porte blindée, nous nous raidîment.

Il était enfin de retour, et nous n'aurions pas à arpenter les rues noires et glacées pour le retrouver.

Thomas se leva le premier et se rua vers l'entrée.

-C'est lui !

Franck et moi, encore figés, le suivîment du regard et lorsque la porte s'ouvrit, ne comprîment pas tout de suite pourquoi Thomas s'était arrêté net de parler et de marcher.

Je m'avançais à mon tour vers la porte, notant du coin de l'œil l'étrange comportement de Franck qui basculait derrière le canapé. Alex arrivait maintenant à la hauteur de Thomas, pétrifié.

Dans l'encadrement de la porte, se trouvait en effet notre ami Nounours, ou plutôt quelqu'un qui aurait pu être lui.

Son visage était boursouflé par les coups, les ecchymoses recouvraient les plaies, et une large cicatrice lui barrait la face.

 Le sang avait collé ses cheveux, et sa pâleur extrême lui conférait un air surnaturel. De son ventre sommairement bandé gouttait une blessure profonde. Il paraissait mort quoique tenant debout, et le faible sourire édenté qu'il parvint à faire au prix d'un terrible effort, nous glaça d'effroi.

Il s'effondra, d'abord sur les genoux, pour enfin heurter lourdement le parquet.

Alors que Thomas était toujours prostré, incapable du moindre geste, je m'avançai précipitamment, désireux de porter secours à mon ami blessé.

Je me retrouvai nez à nez avec une arme à feu, que l'importance du calibre rendait obscène.

-Vous pas bouger ! Vous pas crier ! Beugla un chauve bedonnant à l'accent russe très marqué.

Personnellement, alors même que personne ne me l'avait demandé, je jugeai opportun de lever les bras et de reculer m'adosser à l'une des colonnes de l'entrée.

La brute enjamba le corps immobile de Noun, et plaqua un Tom sans résistance contre l'autre pilier.

Un deuxième gangster entra, armé lui aussi, il avait un double cocard et deux bouts de coton dépassaient de ses narines, détail qui m'aurait certainement fait rire dans d'autres circonstances, pour l'heure, je profitais de ce que « nez de coton » traîne la carcasse de Noun à l'intérieur pour jeter un regard au salon. Franck, plus perspicace que moi, avait bel et bien disparu...

Un troisième type entra enfin et claqua la porte derrière lui, il était vêtu d'un costume de marque et s'adressa à nous sans accent.

-Bonsoir messieurs, je me nomme Artyusha, mais mes amis m'appellent Art...

-votre compagnon nous a raconté une histoire bien intéressante au sujet de quatre adolescents attardés qui se prenaient pour des justiciers, après que nous l'ayons trouvé en train de fouiner dans nos affaires.

Il s'est, heureusement pour lui, montré très coopératif... Alors comme ça, reprit-il en s'adressant à Tom, ta dernière entrevue avec Sacha ne t'a pas suffit, il attend en bas, tu as vu ce qu'il a fait à ton ami, je pense qu'il se fera un plaisir de te re-expliquer les choses...

-Où est Katarina ? Qu'est-ce-que t'as fait à Noun espèce d'enculé ? !

La réponse lui vint sous la forme d'un magistral coup de crosse assené par « tête d'œuf », puis Art repris.

-Cette pute est la propriété de monsieur M., reprit l'élégant aux lunettes sur le front, aussi alors qu'elle avait manifesté un trop grand amour de la liberté, il nous a demandé à Sacha et à moi de la ramener dans le droit chemin, ce qui fut fait, et ne voilà-t-il pas que quatre petits...

Il s'interrompit un instant jetant un coup d'œil à l'immense pièce et sortit un pistolet de sa poche.

-Igor tam ! Vlad komnata ! Aboya-t- il. Pourriez-vous cher monsieur, vous qui me semblez raisonnable, me dire où se trouve le quatrième larron ?

-Il n'est pas encore rentré, et nous allions à sa recherche quand vous êtes arrivés, bredouillai-je.

L'homme aux cheveux blonds coupés avec soin s'approcha tout près de moi et me posa le canon de son arme sur le menton.

-C'est bien vrai cette histoire mon cher ? Dit-il.

Mon esprit fonctionnait à toute allure, comment pouvais-je réussir à couvrir Franck, les deux gorilles retournaient le loft.

Ils finiraient bien par le trouver et alors Art lui ferait payer son mensonge. De plus, je n'avais pas du tout envie qu'une fusillade éclate, j'avais horreur des armes à feu et j'avais bien vu celle que portait Franck sous son pull. Si seulement Thomas pouvait m'aider, à nous deux, nous pourrions peut-être maîtriser Art, et alors la porte ne serait plus qu'à trois mètres. Peut-être pourrions nous entraîner les gorilles à nos trousses, permettant la fuite de Franck. Oui, mais alors il y avait ce Sacha…

Et dieu sait combien d'autres types ! Malgré ma peur panique, je devais agir vite... Mais comment ?

A SUIVRE……………

4 mars 2005

OMISSION, épisode II:

J'étais abasourdi par son récit, et frottais de la main ma pommette endolorie.

-Putain c'est dingue ! C'est pas vrai cette histoire, c'est complètement barjo ! Se faire attaquer chez soi par des malades, mais putain regarde ils ont tout fracassé, faut appeler les flics, si ça se trouve ils peuvent revenir !

-Non ! Répondit simplement Thomas le regard perdu dans ses pensées.

-Hein ? Je suis pas si sûr que toi, et même si ils sont venus pour elle uniquement c'est quand même super grave.

 Putain, il m'a fait vachement mal ce salaud. Bon, il est où ce téléphone ? OK, je le vois, t'inquiète pas Tom, ils vont te la retrouver ta princesse. Et merde, c'est un message enregistré, tu parles d'une police d'élite... Eh ! mais qu'est-ce-que tu fais, lâche ça, t'es branque ou quoi ?... T'as raccroché ?

Thomas arracha d'un coup sec le fil, faisant sauter du mur la prise téléphonique.

-S'il te plaît Alex, pas de police, je vais me débrouiller, rentre chez toi, excuse moi. La voix de Thomas était étrangement déterminée, curieusement calme.

Machinalement, comme assommé par la soudaine autorité de mon ami, je me levai sans un mot, me dirigeai vers la porte, et la franchis, après un dernier regard, incrédule et ému...

 

Thomas, la tête dans les mains soupira. Que faire ? Il voulait par-dessus tout retrouver Katarina, il était prêt à tout, surtout ne lui faire courir aucun risque. En lui résonnaient encore ses cris angoissés. Comment faire ? Il se sentait si seul...

Il sursauta, l'interphone venait de bourdonner. Il se dirigea lentement vers la porte...

-Oui ! C'est encore moi, Alex, Dis-moi, depuis quand tu me parles comme ça ? Tu crois quand même pas que je vais te laisser dans cette merde, avec des tarés aux trousses et la femme de ta vie en grand danger. Ouvre ! Je monte.

Thomas se sentit instantanément mieux. Il avait confiance en Alex et avait commencé à ranger le salon lorsque son ami entra.

La nuit allait être longue...

 

David, ou plutôt Nounours, ou encore Noun, comme tout le monde l'appelait maintenant, barbotait paisiblement dans son bain.

 Il avait longtemps cherché la baignoire capable d'accueillir ses deux mètres et ses presque cent trente kilos. Il était le bon vivant type. Amateur de bonne chère et de grands vins, il appréciait également le bel canto et pouvait passer des journées entières à la recherche d'un objet insolite susceptible de compléter une de ses nombreuses collections. Pour cette fois, il se régalait d'un de ses célèbres sandwichs au thon et au basilic, sur fond de Rigoletto. Sophie, sa douce et adorée compagne, était partie la veille avec leurs deux fillettes rendre visite à ses parents.

Il avait prétexté du travail en retard dans son atelier d'ébénisterie pour s'offrir quelques jours d'égoïsme.

Cependant, la maison n'était vide que depuis vingt six heures et il s'ennuyait déjà des trois femmes de sa vie.

Alors que le « pari siamo » venait à peine d'être entamé, le superbe téléphone années folles découvert dans un grenier poussiéreux, laissa entendre sa sonnerie très spéciale.

Plutôt contrarié, Noun déplia son corps immense et décrocha.

-Salut c'est Alex.

-Oh sa..sa.a.lut mon po..pote! Ça..a va ?

-Ça pourrait aller mieux. Tom a de gros soucis, et on va peut-être avoir besoin de toi. Tu peux venir chez moi.

-No pro..bb..ble..ee.mo !

-J'espère qu'on trouvera une solution, parce que pour le moment, ça craint à bloc. A tout de suite poulet.

-A pp..plus !

 

Le soleil dardait ses derniers rayons, et le calme régnait dans le pittoresque quartier où vivait Alexandre.

Au second étage de son appartement impeccable et spacieux , les conversations et les esprits s'échauffaient...

-Vous avez du yaourt dans la tronche ou quoi ? Ces enculés vous l'ont mis profond. Putain, mais des mafieux russes, c'est trop chaud pour des tarlouzes comme nous. On est bon pour le fleuve avec des Nikes en parpaing

Franck regardait alternativement ses trois compagnons, il était le seul parmi eux à posséder une expérience des coups durs et devant la folie de l'entreprise que lui proposaient ses amis, il se devait au-moins d'essayer de les mettre en garde.

Il était le plus âgé de la bande, et ses presque quarante ans étaient un motif récurrent de plaisanterie, et ce malgré l'excellence de sa forme physique, lui permettant même de rivaliser avec Tom.

Son visage aux traits acérés, posé sur un corps longiligne évoquant la fragilité, ne permettait pas de deviner, ni sa personnalité ni son passé violent...

Enfant de la DDASS, ballotté des années durant de foyers en familles d'accueil, expérimentant très tôt, trop tôt, la haine, les coups et le rejet, il avait, à l'âge où d'autres découvrent l'amour et l'autonomie, commis quelque actes délictueux que la société dans son infinie mansuétude lui avait fait payer lourdement, entre quatre murs et cinq compagnons de chaînes.

Plusieurs années plus tard, c'était le plus grand des hasards qui lui avait permis de rencontrer ses amis à la jeunesse heureuse et au parcours scolaire impeccable, et c'était sa finesse et son sens aiguë des rapports humains qui lui avaient offert d'y gagner sa place...

-Je pense, répondis-je, que nous n'avons peut être pas mesuré tous les risques de cette opération. Cependant et de toute façon, notre ami Tom est dans un tel état qu'il est impossible de le raisonner. Nous n'avons donc que deux choix possibles. Soit nous l'aidons, soit nous le laissons tomber. Personnellement, je suis avec lui !

-Moi au..au..ssi, je je vous lâ..aache pas ! Déclara Noun.

-Bonar ! puisque tout le monde a des couilles comme des citrons, on est d'accord, réfléchissons à un moyen de délivrer la princesse ! Ajouta Franck.

Thomas qui était resté enfermé dans son silence une bonne part de la journée, tourmenté par la peur infinie d'avoir perdu son amour, releva la tête et croisa tour à tour les yeux de ses amis.

-Merci les gars ! Put-il juste leur dire...

Les deux premières décisions prises par le groupe furent, premièrement ;

De s'installer provisoirement dans le loft de Franck, au cas où leurs ennemis auraient pu remonter jusqu'à moi dont ils connaissaient le prénom.

Cette mesure m'épargnant une angoisse supplémentaire, née à l'idée que mon intérieur, aussi neutre et froid qu'immuable pouvait servir de camp retranché.

Enfin pour le lendemain, de se rendre disponible.

La chose était aisée pour Noun travaillant à son compte et sans famille pour au-moins deux semaines. Pour moi, fonctionnaire, il me suffisait de me faire porter malade, et ce n'était pas la richesse de ma vie privée qui risquait de déranger. Thomas, intermittent du spectacle, n'avait pas de contrats avant le mois prochain.

Enfin, personne ne savait exactement de quoi ni avec qui vivait Franck, et la perspective de vivre chez lui pendant plusieurs jours ravissait tout le monde...

Le lendemain, huit heures et douze minutes, troisième étage, au-dessus d'une artère bruyante du centre ville.

 Le loft de Franck faisait près de deux cents mètres carrés, tous avaient pu se ménager un coin personnel.

Nous étions tous assis, les traits tirés par une nuit courte, sur les visages se lisaient pêle-mêle de la peur, de l'excitation, de l'impatience.

J'avais toujours rêvé de me retrouver dans cette position, je présidai et pris donc la parole.

-Messieurs, commençais-je, parodiant les plus célèbres briefings du cinéma, nous avons tous, et librement choisi de rester avec Tom, à partir de maintenant personne ne reculera.

-C'es...c'es..c'est sûûû..ûr ! lâcha Noun.

-Thomas nous a raconté plusieurs fois son histoire. Il faut savoir, et vite qui sont les gars qui retiennent Katarina ? Où elle se trouve ? Et si on est assez costauds pour la récupérer ?

-Arracher un tapin aux russkoffs, je crois qu'on manque un tout petit peu de cojones, mes poulets !

-Maintenant, c'est la femme que j'aime ! Rugit Thomas.

-OK, on va pas commencer à s'embrouiller sur les définitions. On a besoin de savoir si oui ou non elle travaillait pour eux.

Je comprenais bien la réaction de Tom, Franck était parfois un peu direct, mais, c'était notre ami... 

-Je pense que Noun et Franck sont les mieux placés pour aller à la pèche à l'info, toi et moi, Tom, on est grillés.

-Je..je vais faire les bi..bi..strots du..u quartier et arro..ro..ser les poivrots

-J'ai un très bon pote à revoir, il doit pouvoir apprendre qui encule qui dans cette salade.

-Bien !  Messieurs, il est huit heures vingt, retrouvons nous ici à dix-huit heures, pour faire le point.

-Sir yes sir ! Aboyèrent en choeur Noun et Franck.

Quelques instants plus tard, alors que j'allais refermer sur lui la lourde porte blindée, Franck la retint légèrement.

-Fait gaffe au petit !

-T'inquiete pas, bonne pèche !

Le sourire qu'il me fit, me glaça. Il avait peur !?...

Une ou deux respirations ramenèrent un semblant de calme dans mon esprit.

Moi qui me faisais une montagne du moindre imprévu, j'etais bombardé leader d'un commando. Pour l'instant c'était assez excitant, et puis j'avais rien de mieux à faire, et puis il y avait Thomas.

Il était assis sur un canapé, plus loin, le regard à nouveau perdu dans ses si brefs souvenirs d'elle..

 

La pluie était de retour après un été trop court, dans cette région du monde où chacun savait qu'elle pouvait ne plus les quitter pendant des semaines.

Noun déambulait dans les rues déjà peuplées de ce quartier vivant et coloré où Katarina avait été vue. Il était profondément touché par la peine de Thomas. Ses amis, cela avait été tout pour lui, sans eux, peut-être serait il resté l'adolescent taciturne et solitaire qu'il fut, complexé par sa taille hors norme et ses difficultés d'élocution.

Ils furent pour lui comme une micro-société, un monde miniature avec ses lois et ses codes, un lieu où il put prendre confiance en lui, se découvrir, s'affirmer, et enfin faire la paix avec ses fantômes. Ensuite, il rencontra Sophie, son ange, qui lui apprit bien davantage : comment se parler, se dire que l'on s'aime, seules paroles qui, il l'avait découvert, coulaient de lui sans entraves.

Aujourd'hui, son bonheur, son équilibre, il pensait profondément les leur devoir. Un jour, quand il aurait le cran d'être lui face à eux, il leur dirait tout cela, en attendant, il allait se rendre utile.

Il passa les deux premières heures de la matinée à écouter des propos vides de sens tenus par des piliers de bar.

Lorsqu'il entra dans ce troquet à la vitrine opacifiée par la crasse, il remarqua instantanément les deux gars assis au fond de la salle.

Le premier, costume impeccable, cheveux courts, blonds et lunettes de soleil composait un numéro sur son téléphone mobile. L'autre, crâne rasé et blouson de cuir le dévisageait. Noun avait l'habitude d'être un pôle d'attraction ayant toujours été plus costaud que les autres, mais le regard que lui jetait le gros chauve avait quelque chose de malsain. Il se dirigea vers le bar, derrière lequel un vieillard, squelettique, la gitane au bec, dépliait bruyamment les feuilles d'un journal.

-Un café ! dit Noun, maîtrisant son débit.

Le petit homme de l'autre côté du comptoir leva les yeux, et, sans un mot, chargea le percolateur.

Noun les regardait dans le reflet déformant d'un grand vase en cuivre posé devant lui. Au fond du bar, le type au costard continuait à tapoter nerveusement sur son clavier.

Le bistrotier servit l'expresso et retourna à son journal, allumant au passage un antique transistor crachotant aussitôt une vague mélodie . L'atmosphère de tabac froid et de regards suspicieux ne s'adoucit cependant pas...

 

Putain de sensation ! se disait Franck, en pénétrant dans cet immeuble. Cela faisait bien dix ans qu'il n'était pas revenu dans la cité, et rien n'avait changé.

Il vérifia que l'ascenseur était bien en panne, et entreprit de grimper les six étages qui le séparaient de son but.

Au premier palier, il passa la main sur les restes d'une gravure au couteau, souvenir presque effacé d'un ancien serment. Il ferma les yeux une seconde, et se revit vingt-deux ans plus tôt engager sa vie et son honneur...

Hélas, les promesses ne suffisent pas, et lorsque le vigile ouvrit le feu ce soir là, et qu'il vit exploser la tête de son plus que frère, il mesura son impuissance.

Après des années de colère, il n'était plus qu'une boule de haine, et sans Alex, Noun et quelques autres il serait certainement mort. Il ne laisserait personne leur faire du mal. Pas cette fois... Lui, il n'avait plus qu'eux à perdre...

Il poussa la porte menant au sixième, encore un frisson, combien de fois avait-il par le passé emprunté ce passage ?

La minuterie en panne, délabrement entretenu, qu'importe, il pouvait les yeux fermés parcourir les trente-neuf pas, tourner à gauche, encore quatorze pas et enfin se retrouver face au numéro six cent soixante six. Il frappa...

 

Cela faisait une dizaine de minutes que les quatre occupants de ce petit bar étaient figés dans leurs occupations respectives.

 Noun allait partir, lorsque les deux types se levèrent. Alors qu'ils franchissaient la double porte aux poignées de laiton, le patron leur lança

-Au revoir messieurs et bonne journée !

-Da, da. Répondit mollement le type au cuir.

Noun était en nage, ces mecs étaient des russes et celui au crâne rasé était trop tendu pour être honnête.

Il attendit quelques secondes, essayant de dissimuler sa nervosité, mélange d'excitation et de rage, jeta une pièce sur le comptoir et sortit...

 

-Bordel ! Franckie ! Merde je le crois pas, Franckie de retour dans les tours,  bordel de merde !

-Salut Abdel ! content de te voir.

-Mais entre bordel ! reste pas dans le couloir. Mais ça fait combien ? huit ans ? neuf ans ?

-Ça fait dix ans Abdel et ça fait plaisir.

 

Il suivait les deux gars depuis presque deux  heures maintenant, ils avaient visité près de la moitié des troquets du quartier, et les grondements qui secouaient déjà son estomac faisaient craindre à Noun l'éventualité de sauter un repas. L'œil fasciné par un marchand de kebab tout proche, il vit les duettistes embarquer dans une sombre et longue berline allemande.

Il était certain que ces mecs étaient liés à son affaire, et n'hésita pas à utiliser sa force de conviction pour emprunter le scooter d'un malheureux mais providentiel livreur de pizza.

Ils prirent ensuite l'un des grands axes de la ville, par chance, fort fréquenté, et, trente minutes plus tard, pénétrèrent une zone industrielle, pour se garer enfin le long d'un entrepôt grisâtre.

Noun jeta son destrier de circonstance dans un fossé, s'empara d'une boite portant la mention « anchois », seuls ingrédients avec la tomate et les olives qui d'après lui devaient se trouver sur une pizza, et courut se mettre à l'abri d'un petit bosquet, il pleuvait, à nouveau...

 

-Eh be ! Mon con joli ! moi qui croyais que t'étais rangé... Les russes ! C'est très chaud !S'exclama Abdel.

-J'ai besoin de savoir deux ou trois noms, qui sont les cadors ? Il me faut un max de tuyaux, et peut-être un calibre.

-Tu sais, man, je vends juste un peu de teush, je fourgue deux ou trois trucs, je rends des services quoi !

Franck se leva et se dirigea vers la fenêtre, il inhala une dernière bouffée du stick de bienvenue roulé par le géant marocain.

Abdel faisait bien un mètre quatre vingt quinze. Cinq ans chez les commandos et une pratique assidue de la boxe thaï, en avaient fait un personnage respecté de tous dans la cité. Franck écrasa le joint dans un des cendriers déjà pleins, vestige de la veille, et fixa son regard, par delà la vitre et la pluie, sur les tours voisines.

Quand il se retourna, enfin, Abdel s'était levé lui aussi, et des larmes roulaient sur ses joues taillées à la serpe.

-Tous les jours, tu sais ! Il me manque tous les jours !

-A moi aussi, il me manque. Répondit Franck.

-Je vais t'aider, bordel ! Je sais pas trop comment mais je vais pas te laisser dans la drem. Bon, tu me laisses vingt-quatre heures et tu comptes grave sur moi, mon pote !

-Merci man !

-Bon ! Ben ! Tu restes bouffer avec moi, on va aller voir ma rem, elle sera contente de te revoir, elle va nous faire de la tchoutchouka !

-Ça serait cool, mon pote, répondit Franck, mais j'ai des amis qui m'attendent et qui comptent sur moi...Qui comptent pour moi. J'attends de tes nouvelles petit scarabée, ajouta-t'il en se dirigeant vers la porte.

-Euh ! attends ! Cria Abdel, qui comme pris de frénésie retournait chaque coussin, chaque meuble, chaque tas de vêtements. Affichant un sourire radieux, il tendit un boite acajou au meilleur ami de son grand frère. Tiens ! Tu l'ouvriras chez toi, c'est clean, à plus !

Franck descendant le vieil escalier, entrouvrit juste assez le couvercle du coffret pour apercevoir le reflet chromé du canon d'un automatique...

 

Thomas était scotché dans un sofa, miné par le chagrin, la colère, la peur et l'impuissance.

Aussi, j'arpentais seul l'espace dégagé de l'appartement de Franck.

Cela faisait dix ans que je connaissais Tom, et c'était la première fois que je le voyais pleurer, Noun était un ami d'enfance, nous étions à l'école primaire ensemble... Et je ne savais presque rien sur lui. Bien sûr, nous avions partagé nos jeux, nos fêtes, parfois même nos coups durs.

 Mais qui étaient-ils vraiment. Et Franck, le plus secret de tous, en douze années d'amitié, quand avions nous parlé sincèrement sans tomber dans une de nos conversations maintes fois revisitées.

Toutes ces années à tout partager, tout, peut-être sauf l'essentiel.

Je me dirigeais vers Thomas, il ne pleurait plus... J'irai lui parler plus tard, tout à l'heure. Pourquoi avais-je tant de mal à me livrer ? Et pourquoi avais-je tant de mal à résister à une croissante envie de fouiller ce lot à la recherche d'un part de vérité sur mon ami Franck ?

Je grimpais dans la vaste chambre en mezzanine. Décor minimaliste, futon, lithographies aux murs. Quoi qu'il en soit, il avait toujours était un homme de goût, et les costumes impeccablement repassés qui s'alignaient dans la penderie étaient taillés dans les tissus les plus précieux.....

J'ouvris un tiroir.....   

A SUIVRE................

2 mars 2005

Une petite nouvelle, épisode I:

 

 

 

 

 Omission

                                                                     

                                                                   A ceux que j'aime...


A trente ans passés, je vivais peu, enfermé dans un ronron tranquille...

J'étais issu d'un milieu moyen, tant par le niveau de vie que par tout le reste.

Mes parents avaient toujours fait de leurs mieux pour assumer leurs rôles.

Juste assez...

J'avais bien sûr des amis, mes amis. Groupe hétéroclite de personnalités, lieu rassurant, repère, parfois refuge.

Mon agenda était très bien rempli : Un boulot très prenant, des occupations très impliquantes, des rencontres très passagères.

Et, pas de place pour autre chose...

En quelques jours, tout allait basculer, se briser, se tordre...

Début du vingt et unième siècle, Occident...

Temps troublés par un empoisonnant sentiment de doute et de découragement.

Ceux qui vivaient là, à cette époque, perclus d'individualisme, étouffaient lentement par manque d'idéaux.

Les derniers espoirs d'un monde meilleur étaient morts quelques années plus tôt avec la fin de l'utopie communiste, laissant nette la place au chaos de l'égoïsme roi.

Les hommes se parlaient peu et s'écoutaient encore moins...

Un mardi, en novembre, dans une ville moyenne...

Comme à mon habitude, je m'étais levé tard. J'avais traîné encore un peu dans mon antique peignoir élimé.

Mon programme était tout établi, tendu vers l'unique objectif de la journée :

Me préparer à visiter mon ami Thomas.

Planification, ritualisation, seules garanties d'un jour réussi.

Dix neuf heures cinquante trois. En chemin, maîtrisant mon allure, certain à force d'habitude de me trouver en face de l'interphone à vingt heures précises, je pensais...

Mon ami Thomas m'avait invité en grandes pompes, pour me présenter sa nouvelle conquête : Katarina...

J'étais un peu jaloux de lui.

L'inconstant, le phallocrate, l'individualiste accumulait les succès, les qualités morales que je m'attribuais ne facilitaient pas les miens.

Mais j'aimais sincèrement Thomas. Au-delà de son physique de champion californien, de ses dents blanches, c'était un garçon franc, libre et loyal.

Et puis, c'était mon ami...

Vérifiant pour la cinquième fois l'absence d'étiquette sur la bouteille de vin que je portais. Je sonnais au numéro huit d'une rue étroite et sombre.

-Oui ! !

La voix qui répondit me fut si peu familière que je crus tout d'abord m'être trompé de touche.

Impossible ! Des années de discipline mentale ne pouvaient m'abandonner en quelques secondes. Je ne me trompais jamais de touche. De plus, Thomas était le seul locataire à cette adresse...

-C'est Alexandre ! Thomas est là ?

Pour toute réponse, j'entendis le déclic de la gâche électrique et pénétrai dans le vieil immeuble, fort contrarié.

J'ai toujours eu horreur des surprises, et manifestement, d'autres personnes avaient été conviées ce soir et je n'étais pas au courant.

Les cinq étages furent à peine suffisant pour remettre sur mon visage un sourire contrôlé.

Sur le palier, je pris une longue bouffée d'air et poussai la porte entrouverte, m'étonnant au passage, fait rarissime chez Thomas, de l'absence de musique.

Un choc, sensations étranges, noir, froid...Douleur pulsante, lancinante...

 

Et tout revient, doucement. Le son d'abord, ou plutôt le silence, pesant.

Et puis une lumière, faible au début, elle devient plus nette, rouge.

C'est une lampe, je me redresse, terrible migraine, sang dans ma bouche.

L'appartement de Thomas comme après une tornade, rien à voir avec le bordel habituel…

Je me lève, massant ma face douloureuse, un coup d'œil. La chose surpuissante qui m'a frappé est partie. Dans la vaste pièce, à la fois cuisine, salon et chambre, tout semble avoir été brisé, comme ces dizaines de CD coupés en deux et qui jonchent le plancher.

Je remarque les tâches de sang sur le tapis, moi, je n'ai saigné que dans l'entrée.

Je m'approche, une véritable flaque de sang, écarlate et visqueuse, rendue plus vive encore par l'éclairage au néon rouge.

De là, partent de grosses gouttes formant une trace jusqu'à la salle de bain.

J'avance doucement, la boule au ventre, prend la poignée et pousse la porte.

Quelque chose obstrue le passage. Je dois forcer, contre une forme molle, partagé entre la peur et le dégoût...

C'est Thomas...

 

L'œil enflé, l'arcade sourcilière et le cuir chevelu entaillés, Tom essayait de me raconter les semaines passées. Assis sur le canapé remis d'aplomb, dans son tee-shirt déchiré et maculé de son sang, une poche de glace sur la tête, Thomas se souvenait...

 

La première fois qu'il vit Katarina, ce fut dans ce petit bar branché, niché au coeur de ce quartier chaleureux et métissé où il vivait. Elle n'était vêtue que de rouge, et sa longue chevelure de geai encadrait divinement ses yeux porcelaines et son merveilleux sourire. Thomas n'avait pas l'habitude de se poser des questions. Avec les filles, il lui suffisait d'être lui-même, nature..

Mais là, c'était diffèrent...

Pour la première fois de sa vie, il était impressionné. Il la regardait, à l'autre bout du comptoir, elle riait, et pourtant, dans ses yeux, il pouvait deviner de la tristesse.

Il était resté comme cela, sans rien faire, jusqu'à son départ, savourant sa lumière. Un étrange pincement lui vint les quelques fois où leurs regards se croisèrent .

Il ne chercha cependant pas à la revoir, mettant les émotions de cette curieuse soirée sur le compte d'une fatigue quelconque...

Une semaine plus tard, son souvenir ayant tourné à l'obsession, il décida de la retrouver, il eut beau arpenter son joli quartier devenu gris, il ne la vit point.

Les soirées avec d'autres filles n'y firent rien. Ni la fête, ni l'érotisme d'une nouvelle peau ne parvinrent à calmer sa soif d'elle.

Il commençait à penser perdre la raison, l'esprit vide de tout, reclus dans son appart.

C'est alors que le ciel s'en mêla...

Un orage, très violent. Le vent soufflait si fort, les grêlons tombaient si nombreux. Et soudain, plus de lumière.

Thomas plongé dans l'obscurité et le silence. Thomas est très patient, alors, Thomas attend, une heure, puis deux.

Mais lorsque l'électricité revient dans la rue, il doit se résoudre à la corvée : Descendre les cinq étages dans le noir, accéder au disjoncteur et le réarmer.

Pénible périple, muni d'un briquet...

Clac ! ! Et la lumière fut. Mais le choc fut plus grand encore. Face à Thomas, à quelques centimètres, Elle était là.

Trempée, tremblante et terrifiée. Mais si belle...

Quelques secondes, une éternité, avant qu'il ne puisse extirper son regard de ces yeux plein de larmes.

Enfin, il lui prit la main, elle le suivit chez lui, tenant sur ses épaules une dégoulinante veste de laine .

Cette nuit là, ils ne se dirent rien, il lui tendit une serviette, lui fit couler un bain, lui prêta une chemise et lui prépara des œufs. Il l'installa dans son lit, et s'assit à ses côtés pour la regarder s'endormir.

Enfin il sombra...troublé mais heureux...

Les jours qui suivirent furent parmi les plus tendres et les plus exaltants de la vie de Thomas.

Il apprenait à connaître Katarina la mystérieuse, son accent russe prononcé et ses fréquentes fautes de français, son immense douceur, sa beauté infinie, sa sensualité si slave.

Elle s'était offerte à lui, et lui, il était amoureux fou...

A tel point qu'il ne lui demanda jamais comment elle s'était retrouvée dans ce couloir par cette nuit d'orage, ni rien qui aurait pu laisser passer un voile de tristesse dans ses yeux bleus de Prusse.

Trois semaines...douces...isolés de tout...amants...

Et puis, ce mardi.

 

On sonne, sûrement Alex , OK, j'ouvre...

Alex en avance, non c'est impossible !

Quelques secondes encore, et on frappe à la porte.

-Katarina est là ? La voix puissante, au fort accent russe, roula comme un orage lointain

Thomas eut juste le temps de bafouiller d'hésitation, d'apercevoir une ombre derrière le colosse qui occupait le cadre de la porte, et d'entendre un bruit sec.

La douleur vive suivie d'une perte d'équilibre, lui indiqua que c'était le son qu'avait fait le poing du géant pour lui éclater une arcade.

Il atterrit par chance dans un de ces nombreux poufs seventies qui meublaient son salon, se rétablit et se rua sur le gorille saisissant au passage sa crosse de hockey.

La brute, élégamment cintrée dans un col roulé noir, esquiva sans ciller le coup de crosse, et dans le même mouvement frappa.

Il avait choisi les côtes, la souffrance brouilla les sens de Thomas, et il ne vit pas arriver le second coup.

Il se retrouva au sol, et ce fut la curée...

L'un d'eux se pencha sur lui.

-Pas de police ! Sinon !

Plus loin, elle pleurait. Il perdit connaissance... 

A SUIVRE...............

31 janvier 2005

La nausée:

Que sont devenus "les guignols de l'infos" ?

Je me souviens, jadis, d'une émission novatrice, impertinente, pointue sur l'information, drôle, oui, drôle.................................................

Aujourd'hui, je n'y vois plus que les déjections biliaires d'une bande de potaches haineux, vulgaires et ignorants...............

Finies les dénonciations courageuses ; Seule compte la facilité..................

Enfoncer des portes ouvertes, hurler avec la meute, régler des comptes mondains..................

Dernier exemple en date:   Le traitement de "l'affaire Jackson":

Acharnement scabreux, contre-verités, mépris manifeste pour la justice et la présomption d'innocence..........................

         Est-il si jouissif de tirer sur les ambulances ?

         N'existe t'il plus de scandale a dénoncer ?                J'ai honte pour eux............

23 janvier 2005

Hallucination:

C'est dimanche !!!!  Alors, bon dimanche !!!!!!!

Suis-je en train de rêver ? Mes agapes saturnales ont-elles altéré mon jugement ?

Non........... Sur le canapé rouge de feu Michel Drucker, madame Raffarin, épouse de notre léthargique et mielleux premier ministre, chante de vive voix  "Prendre un enfant par la main" , accompagnée à la guitare par le servile Yves duteuil......

    Tout cela est bien réel......

Je me recouche............... 

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