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LE CONSUL
2 mars 2005

Une petite nouvelle, épisode I:

 

 

 

 

 Omission

                                                                     

                                                                   A ceux que j'aime...


A trente ans passés, je vivais peu, enfermé dans un ronron tranquille...

J'étais issu d'un milieu moyen, tant par le niveau de vie que par tout le reste.

Mes parents avaient toujours fait de leurs mieux pour assumer leurs rôles.

Juste assez...

J'avais bien sûr des amis, mes amis. Groupe hétéroclite de personnalités, lieu rassurant, repère, parfois refuge.

Mon agenda était très bien rempli : Un boulot très prenant, des occupations très impliquantes, des rencontres très passagères.

Et, pas de place pour autre chose...

En quelques jours, tout allait basculer, se briser, se tordre...

Début du vingt et unième siècle, Occident...

Temps troublés par un empoisonnant sentiment de doute et de découragement.

Ceux qui vivaient là, à cette époque, perclus d'individualisme, étouffaient lentement par manque d'idéaux.

Les derniers espoirs d'un monde meilleur étaient morts quelques années plus tôt avec la fin de l'utopie communiste, laissant nette la place au chaos de l'égoïsme roi.

Les hommes se parlaient peu et s'écoutaient encore moins...

Un mardi, en novembre, dans une ville moyenne...

Comme à mon habitude, je m'étais levé tard. J'avais traîné encore un peu dans mon antique peignoir élimé.

Mon programme était tout établi, tendu vers l'unique objectif de la journée :

Me préparer à visiter mon ami Thomas.

Planification, ritualisation, seules garanties d'un jour réussi.

Dix neuf heures cinquante trois. En chemin, maîtrisant mon allure, certain à force d'habitude de me trouver en face de l'interphone à vingt heures précises, je pensais...

Mon ami Thomas m'avait invité en grandes pompes, pour me présenter sa nouvelle conquête : Katarina...

J'étais un peu jaloux de lui.

L'inconstant, le phallocrate, l'individualiste accumulait les succès, les qualités morales que je m'attribuais ne facilitaient pas les miens.

Mais j'aimais sincèrement Thomas. Au-delà de son physique de champion californien, de ses dents blanches, c'était un garçon franc, libre et loyal.

Et puis, c'était mon ami...

Vérifiant pour la cinquième fois l'absence d'étiquette sur la bouteille de vin que je portais. Je sonnais au numéro huit d'une rue étroite et sombre.

-Oui ! !

La voix qui répondit me fut si peu familière que je crus tout d'abord m'être trompé de touche.

Impossible ! Des années de discipline mentale ne pouvaient m'abandonner en quelques secondes. Je ne me trompais jamais de touche. De plus, Thomas était le seul locataire à cette adresse...

-C'est Alexandre ! Thomas est là ?

Pour toute réponse, j'entendis le déclic de la gâche électrique et pénétrai dans le vieil immeuble, fort contrarié.

J'ai toujours eu horreur des surprises, et manifestement, d'autres personnes avaient été conviées ce soir et je n'étais pas au courant.

Les cinq étages furent à peine suffisant pour remettre sur mon visage un sourire contrôlé.

Sur le palier, je pris une longue bouffée d'air et poussai la porte entrouverte, m'étonnant au passage, fait rarissime chez Thomas, de l'absence de musique.

Un choc, sensations étranges, noir, froid...Douleur pulsante, lancinante...

 

Et tout revient, doucement. Le son d'abord, ou plutôt le silence, pesant.

Et puis une lumière, faible au début, elle devient plus nette, rouge.

C'est une lampe, je me redresse, terrible migraine, sang dans ma bouche.

L'appartement de Thomas comme après une tornade, rien à voir avec le bordel habituel…

Je me lève, massant ma face douloureuse, un coup d'œil. La chose surpuissante qui m'a frappé est partie. Dans la vaste pièce, à la fois cuisine, salon et chambre, tout semble avoir été brisé, comme ces dizaines de CD coupés en deux et qui jonchent le plancher.

Je remarque les tâches de sang sur le tapis, moi, je n'ai saigné que dans l'entrée.

Je m'approche, une véritable flaque de sang, écarlate et visqueuse, rendue plus vive encore par l'éclairage au néon rouge.

De là, partent de grosses gouttes formant une trace jusqu'à la salle de bain.

J'avance doucement, la boule au ventre, prend la poignée et pousse la porte.

Quelque chose obstrue le passage. Je dois forcer, contre une forme molle, partagé entre la peur et le dégoût...

C'est Thomas...

 

L'œil enflé, l'arcade sourcilière et le cuir chevelu entaillés, Tom essayait de me raconter les semaines passées. Assis sur le canapé remis d'aplomb, dans son tee-shirt déchiré et maculé de son sang, une poche de glace sur la tête, Thomas se souvenait...

 

La première fois qu'il vit Katarina, ce fut dans ce petit bar branché, niché au coeur de ce quartier chaleureux et métissé où il vivait. Elle n'était vêtue que de rouge, et sa longue chevelure de geai encadrait divinement ses yeux porcelaines et son merveilleux sourire. Thomas n'avait pas l'habitude de se poser des questions. Avec les filles, il lui suffisait d'être lui-même, nature..

Mais là, c'était diffèrent...

Pour la première fois de sa vie, il était impressionné. Il la regardait, à l'autre bout du comptoir, elle riait, et pourtant, dans ses yeux, il pouvait deviner de la tristesse.

Il était resté comme cela, sans rien faire, jusqu'à son départ, savourant sa lumière. Un étrange pincement lui vint les quelques fois où leurs regards se croisèrent .

Il ne chercha cependant pas à la revoir, mettant les émotions de cette curieuse soirée sur le compte d'une fatigue quelconque...

Une semaine plus tard, son souvenir ayant tourné à l'obsession, il décida de la retrouver, il eut beau arpenter son joli quartier devenu gris, il ne la vit point.

Les soirées avec d'autres filles n'y firent rien. Ni la fête, ni l'érotisme d'une nouvelle peau ne parvinrent à calmer sa soif d'elle.

Il commençait à penser perdre la raison, l'esprit vide de tout, reclus dans son appart.

C'est alors que le ciel s'en mêla...

Un orage, très violent. Le vent soufflait si fort, les grêlons tombaient si nombreux. Et soudain, plus de lumière.

Thomas plongé dans l'obscurité et le silence. Thomas est très patient, alors, Thomas attend, une heure, puis deux.

Mais lorsque l'électricité revient dans la rue, il doit se résoudre à la corvée : Descendre les cinq étages dans le noir, accéder au disjoncteur et le réarmer.

Pénible périple, muni d'un briquet...

Clac ! ! Et la lumière fut. Mais le choc fut plus grand encore. Face à Thomas, à quelques centimètres, Elle était là.

Trempée, tremblante et terrifiée. Mais si belle...

Quelques secondes, une éternité, avant qu'il ne puisse extirper son regard de ces yeux plein de larmes.

Enfin, il lui prit la main, elle le suivit chez lui, tenant sur ses épaules une dégoulinante veste de laine .

Cette nuit là, ils ne se dirent rien, il lui tendit une serviette, lui fit couler un bain, lui prêta une chemise et lui prépara des œufs. Il l'installa dans son lit, et s'assit à ses côtés pour la regarder s'endormir.

Enfin il sombra...troublé mais heureux...

Les jours qui suivirent furent parmi les plus tendres et les plus exaltants de la vie de Thomas.

Il apprenait à connaître Katarina la mystérieuse, son accent russe prononcé et ses fréquentes fautes de français, son immense douceur, sa beauté infinie, sa sensualité si slave.

Elle s'était offerte à lui, et lui, il était amoureux fou...

A tel point qu'il ne lui demanda jamais comment elle s'était retrouvée dans ce couloir par cette nuit d'orage, ni rien qui aurait pu laisser passer un voile de tristesse dans ses yeux bleus de Prusse.

Trois semaines...douces...isolés de tout...amants...

Et puis, ce mardi.

 

On sonne, sûrement Alex , OK, j'ouvre...

Alex en avance, non c'est impossible !

Quelques secondes encore, et on frappe à la porte.

-Katarina est là ? La voix puissante, au fort accent russe, roula comme un orage lointain

Thomas eut juste le temps de bafouiller d'hésitation, d'apercevoir une ombre derrière le colosse qui occupait le cadre de la porte, et d'entendre un bruit sec.

La douleur vive suivie d'une perte d'équilibre, lui indiqua que c'était le son qu'avait fait le poing du géant pour lui éclater une arcade.

Il atterrit par chance dans un de ces nombreux poufs seventies qui meublaient son salon, se rétablit et se rua sur le gorille saisissant au passage sa crosse de hockey.

La brute, élégamment cintrée dans un col roulé noir, esquiva sans ciller le coup de crosse, et dans le même mouvement frappa.

Il avait choisi les côtes, la souffrance brouilla les sens de Thomas, et il ne vit pas arriver le second coup.

Il se retrouva au sol, et ce fut la curée...

L'un d'eux se pencha sur lui.

-Pas de police ! Sinon !

Plus loin, elle pleurait. Il perdit connaissance... 

A SUIVRE...............

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Commentaires
L
Aaaaaaaaaaaaargh ! Vite la suite ! C'est trop passionnant !
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