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LE CONSUL
20 mars 2005

OMISSION, épisode VI et fin:

J’étais posté à l’abri d’une murette. De là, je pouvais observer les quinze mètres de cour qui me séparaient d’un petite porte. Personne !

Mes jambes tremblaient, et les battements de mon cœur laissaient craindre une rupture prochaine. Mes mains moites se crispèrent sur mon arme.

Les détonations que j’entendai, étaient pour moi le signal.

Je me levai et courus en direction de la porte...

Abdel avait d’abord rejoint la cour discrètement en s’abritant derrière des containers. Il avait tout de suite aperçu le type en treillis qui fumait une clope près de la barrière.

Il avait déposé au sol son fusil-mitrailleur et son long sac de sport afin d’être plus mobile.

-Les plans les plus simples sont les plus simples. Se dit-il.

Il ramassa un pierre, et la lança violemment sur un autre containers à trente mètres de là.

Au moment où le gardien passa, il lui décocha un High-kick en pleine face, le réduisant au silence. Abdel ne put se réjouir longtemps, car un autre type l’avait aperçu depuis le toit et vidait le chargeur de son AK 47 dans sa direction...

-C’..c..c’est quoi! Hurla Noun. Les f..f..flics ?

-Les bourres ça m’étonnerait. Répondit Franck. Y’a pas eut de sommation, j’espère seulement que...

La porte s’ouvrit brusquement. Face à eux, Igor, les yeux injectés de sang, son 44 à la main.

-Vous, venir vite ! aboya-t-il.

Franck se leva nonchalamment, il ne put empêcher Noun de se jeter sur le russe. Il vit les deux colosses qui un instant semblaient danser, il entendit une détonation, puis une autre...

Crâne d’œuf le regarda, quelque chose d’infiniment triste dans le regard, puis tomba à genoux avant que son visage ne heurte le sol en produisant un bruit boueux.

Noun se retourna vers son ami, il souriait.

-Tu..u vois q..q.qu’on pe..peut agir. Dit-il en chancelant.

Franck se précipita pour soutenir son ami et adoucir sa chute. Il était dans ses bras. La blessure indiqua à Franck que la fin était proche.

-Merde ! Cette f..fois, j’ai m..m.mon compte. Déclara Noun, en respirant de manière saccadée.... Si tu..tu t’en sors,.., je voudrais que tu t’en sortes, pour dire à Sophie et à mes princesses que je les aime et que j’ai pensé à elles jusqu’au bout.

-Je te le promets. Répondit Franck dont les larmes coulaient enfin.

-Je t’aime, toi aussi Franckie. T’avais raison, c’est bon de pas crever tout seu...

David posa doucement sa tête sur la cuisse de son ami.

-T’es pas tout seul mon pote. Dit Franck, en lui fermant les yeux. T’es pas tout seul...

Je suis contre la petite porte, respiration haletante, je pose la main sur la poignée , elle est ouverte...

-Halt !

Sur ma gauche un cri, je tourne la tête, à quarante mètres un gars habillé en militaire court dans ma direction, machinalement je pivote vers lui, le fusil s’oriente et le coup de feu part, le type est au sol, il hurle.

J’avance vers lui, j’entends un bruit métallique, sur ma droite un mouvement, la porte s’ouvre, un autre soldat, je re-arme, un autre coup de feu.

Cette fois l’ennemi est à cinq mètres, j’ai le temps de voir sa cage thoracique s’enfoncer et laisser la place à de la chair molle qui se teinte de noir, le russe s’envole et coule le long du mur, il est mort.

De l’autre côté, les cris ont cessé, il est mort, lui aussi...

-Bordel de bordel ! s’écria Abdel.

Il était adossé à un container, et le feu nourri d’au-moins deux Kalashnikov le clouait sur place.

Tout d’abord améliorer sa position.

Abdel assura sa prise sur son Heckler & Koch MP5A4, resserra la sangle de son sac, et courut à l’abri d’un autre container, à quinze mètres de là, tout en mitraillant dans la direction de ses opposants.

Les balles sifflèrent, soulevèrent la poussière, et firent sonner le métal du container, il était à l’abri...

En face, à soixante mètres, au-delà des cinq rangées de voitures, Franck pouvait apercevoir un garde, embusqué derrière deux fourgons, qui semblait hésiter à faire son boulot, et, à sortir participer au combat.

Il s’accroupit à l’abri d’une Audi A6, et vérifia son chargeur...

Cinq balles...                                                                                                                                                                           

A trente mètres, sur le parking, deux bennes à ordures lui assureraient une protection suffisante tout en le plaçant à bonne portée des gangsters.

Répéter le mouvement dans sa tête... Et y aller...

Il dégoupilla une de ses grenades, la lança en direction de l’entrée du hangar, et se mit à sprinter comptant sur la diversion de l’explosion et sa course rapide en zigzag pour arriver sain et sauf.

Les trois secondes et six cent trente neuf millièmes que dura son déplacement lui semblèrent bien longues...

Les mafieux étaient deux sur le toit de l’entrepôt, et si le premier fut totalement distrait par la déflagration en dessous de lui, l’autre aperçut tout de suite Abdel et ses zigzags.

Il ouvrit le feu, faisant pleuvoir l’acier. Les balles de calibre 5,7 x 28 mm heurtaient violemment le sol goudronné du parking, chaque pas était pour Abdel un pari insensé, devait il continuer tout droit ou virer brusquement ?

L’un de ses choix fut trop tardif, et une balle lui frôla la cuisse suffisamment près pour y creuser une entaille de trois centimètres.

Enfin, il arriva, s’assit quelque instant à l’abri, et souffla...

Une explosion s’était produite au niveau de la grande porte coulissante du hangar, de la fumée pénétrait à l’intérieur, et, à en juger par l’intensité des échanges, la bataille faisait rage à l’extérieur..

Sur sa gauche, il entendit des cris en russes, et aperçut « le moustachu » qui courait vers la grande porte en hurlant des ordres.

-Toi connard ! Pensa Franck. Tu vas payer !

Il respira, et se faufila entre les automobiles, pour intercepter son homme sans attirer l’attention du type d’en face.

-Eh, fils de pute ! Lança-t-il au russe, profitant du vacarme ambiant pour couvrir sa voix.

L’homme, d’une quarantaine d’années se retourna lentement. Il vit alors un des prisonniers, un genou à terre, qui le menaçait avec un Rutger 44. Il leva les bras, esquissa un sourire gêné puis une moue incrédule lorsque deux balles fracassèrent les os de son visage. Il tomba...

Franck jeta un coup d’œil, l’autre n’avait pas bronché. Il mit le cadavre sous une classe S, et récupéra le PM 98.

Il tourna la tête. Au fond de l’entrepôt, Art et Vladimir sortaient de leurs bureaux les armes à la main.

Eux, ils l’avaient vu...

Je poussai la porte. En face de moi, l’ouverture de la lourde porte du hangar m’offrait un point de vue terrifiant. Dehors, Abdel devait être en enfer, les rafales sèches de son pistolet-mitrailleur répondaient à celles saccadées des fusils d’assaut soviétiques et de la fumée semblait recouvrir le parking.

Plus près de moi, un homme en treillis me tournait le dos, tandis qu’un autre se préparait à sortir en vociférant.

Je fus pris d’un vertige, mes jambes menaçaient de ne plus me porter, et je dus m’adosser à un container sur ma droite. Tout était allé si vite ! A quelques mètres de là, gisaient deux hommes que je ne connaissais pas et que j’avais tué. Dire que quelques jours plus tôt, frauder dans le bus m’enterrer sous la culpabilité. Et pourtant j’étais calme. Une sérénité enragée...

A trente mètres de moi, le russe abrité derrière deux vans ne me regardait pas, ne me menaçait pas directement.

C’était un cas de conscience...

Je longeai encore un peu le container...

-Bordel de bordel ! Hurlait Abdel.

Sa situation ne s’était pas vraiment améliorée.

Certes il semblait à l’abri des tirs ennemis, mais l’arrivée d’un troisième larron, au niveau de la porte coulissante, lui interdisait toute riposte, à l’exception de quelque rafales à l’aveuglette.

S’il restait ainsi, tôt ou tard, ils viendraient le déloger...

Sur ma gauche des coups de feu avaient éclaté. Au fond de l’entrepôt, deux types dont l’un pouvait bien être Vlad avançaient en canardant plusieurs rangées de voitures... Non ! accroupi au milieu des berlines, un homme répliquait...C’était Franck !

Je devais l’aider, mais comment ? Autour de moi...

Le type de la porte, un genou à terre, essayait sans doute d’atteindre Abdel. L’autre avait disparu...

Il devait s’occuper de ces deux gaillards sur le toit, et pour ça, il avait ce qu’il fallait...

Abdel ouvrit sereinement son gros sac noir, et en sortit lentement chacun des éléments qu’il étala devant lui, sur le goudron.

L’étoile soviétique qui ornait encore une de ces pièces lui apparut comme un signe.

-Retour à l’envoyeur, bande de bâtards ! Rugit il dans un sourire...

Franck etait sous le feu de d'Art et de Vlad qui s’étaient abrités derrière un tas de bidons métalliques.

Il devait se montrer avare de ses munitions.

Soudain, quelque chose frappa la carrosserie à hauteur de son visage, un boulon ? Quelqu’un lui avait jeté un boulon. Il pivota...

A vingt mètres de là, partiellement caché par l’angle d’un container, un fusil à la main et la haine sur le visage, je lui faisais des signes...

Franck dut se concentrer, faire abstraction de la joie de n’être plus seul, de la surprise de voir «Alex prince du canapé » transformé en commando, et essayer de décrypter mon message.

Je lui montrai les deux fourgons noirs où quelques minutes plus tôt se tenait un russe, puis haussai les épaules en faisant la moue. Où était-il ?

Franck ne comprenait pas. A son tour d’essayer...

Moi j’avais saisi. Mon ami me proposait de courir me poster à l’abri de la guérite du gardien afin de pouvoir atteindre les flancs de l’ennemi, Franck me couvrirait durant cette course d’environ trente mètres.

Le compte à rebours fut lancé. Un, deux...

Franck se leva vivement et tira sur la zone des bidons, non sans avoir empli mes poumons d’air, je me ruai en avant conscient de ma folle témérité. Encore à mi-chemin, je sentis l’air siffler près de mon oreille, une force, comme un instinct, me commanda de me jeter au sol et de rouler.

C’est alors que je compris :

Le plafond du hangar était parcouru d’un réseau de passerelles, que tout près des vans se trouvait une échelle permettant d’y accéder, que le type qui avait disparu se tenait à ma verticale, et qu’il était en train de me prendre pour cible..

J’eus encore le temps de penser à la mort, à la mienne plus précisément. Dans ma maladroite roulade, j’avais lâché mon calibre 12, j’étais allongé sur le dos, les bras en croix. Un instant encore je crus voir une hésitation dans l’oeil du gangster qui, dix mètres plus haut, me visait méticuleusement...

Et puis cet œil implosa... Il fut en fait perforé... Par quelques centimètres d’acier... Résultat d’un tir magistral de Franck.

Aussitôt je fus sur mes pieds et repris ma course, sur ma droite le type de la porte m’avait aperçu et se retournait..

Abdel avait terminé le montage de son arme, il lui fallait trois secondes de répit, le temps d’aligner les deux crétins du toit qui s’étaient rapprochés.

Il mitrailla une dernière fois par-dessus sa tête et rampa le long de son abri.

Il n’avait qu’une tentative, si jamais le gars du rez-de-chaussée avait le temps de le verrouiller, il était mort...

Une respiration ample et profonde...Une roulade, et voilà Abdel un genou au sol, sur son épaule il place son SAM-14, vise et laisse partir le missile sol/air de douze kilogrammes...

C’est tout le bord du toit qui explosa, éparpillant les restes disloqués des deux gardes sur plus de soixante mètres...

Le souffle fit chuter le type de la porte aussi bien que moi, je fus debout le premier, dégainai mon Glock 19, et fis exploser le cœur de mon ennemi...

Des débris enflammés étaient tombés sur les deux fourgons qui menaçaient de s’embraser.

Un peu partout l’incendie se déclarait...

J’étais enfin arrivé à mon poste, et pouvais observer les deux russes restants, l’un était bien Vladimir, et l’autre Artyusha...

J’apercevai également Franck, assis dos à une SLK, à cours de munitions...

Je plongeai la main dans ma poche et en sortis une grenade...

-Tu devrais pas faire ça, mon pote !

Je me retournai brusquement. Venant de l’extérieur, Abdel, appuyé sur une sorte d’arme, approchait en boitant.

-Content de te voir ! Il a fait chaud dehors, non ? Demandai-je.

-C’était assez sportif, mais fais moi plaisir et range ta tomate. Répondit-il. Avec les vapeurs d’essence, toutes ces bagnoles là-bas, et les bidons de carburant au fond du hangar, faudrait peut-être se la jouer plus fine, OK ?..

Franck avait chaud au cœur de voir deux de ses meilleurs amis réunis pour le tirer d’un mauvais pas.

Ils allaient déclencher un tir de barrage sur les deux russes, lui permettant de courir les rejoindre...

J’avais emprunté la Kalashnikov de ma dernière victime, m’étais agenouillé, permettant à Abdel de tirer debout au-dessus de moi, avais épaulé mon fusil d’assaut, attendu le signal de mon nouveau frère d’arme...

Je pressai la détente...

La réaction de Vlad fut soudaine, au même instant, il sortit de son abri et se rua vers Franck, en hurlant, brandissant quelque chose...

Pas assez vive pour surprendre Abdel...

Six balles lui firent une écharpe sanglante de l’épaule à la taille...

Franck roula...il était à l’abri...

L’explosion, amplifiée par l’écho du hangar, fut assourdissante.

Vladimir, orphelin des conseils d’Abdel, avait peut-être manqué de jugement en courant une grenade dégoupillée à la main...

Les bidons explosèrent à leur tour,

les voitures rangées les unes le long des autres, entamèrent une réaction d’incendie en chaîne.

A ce rythme, dans une poignée de minutes, il ne resterait plus rien de l’entrepôt...

Artyusha l’élégant n’eut pas le temps de comprendre ce qui se passait, ni d’où venait ce choc qui pulvérisa ses organes, broya ses os, déchira ses chairs, d’où arrivaient ces flammes qui consumèrent sa peau...

Il n’eut pas le temps d’entendre la déflagration, ni même ses propres cris de souffrance...

Nous échangèrent tous trois quelques regards lourds de sens...

Epuisement, soulagement, amitié, reconnaissance, mais aussi de la peine...

Je compris instantanément dans les yeux de Franck que Tom et Noun ne rentreraient pas avec nous...

Nous étions tous les trois vivants, fiers et heureux de l’être.

Nous avions payé un lourd tribut à notre naïveté, innocents face au vice...

Un coup de feu éclate, Franck s’effondre...

Ça vient d’en haut, sur la passerelle...

Unis dans un même élan, Abdel et moi, levons nos armes et faisons feu...

Un seul geste, un seul son...

A nos pieds, s’écrase dans un fracas le corps sans vie de Sacha.

Deux trous ornent à présent son front...

Tout est fini...

Sur le chemin du retour, la camionnette croise des voitures de polices aux sirènes hurlantes.

Abdel est au volant, dans son rétroviseur, le hangar s’effondre, dévoré par les flammes.

A l’arrière, je suis assis parterre, sur mes genoux, la tête de Franck.

Il respire... La balle a touché l’épaule...Il va s’en tirer...Il dort...

Je pleure...Sur mes amis perdus... Sur ce que je ne pourrai plus partager avec eux...Sur ces mots que nous n’échangerons pas...

Je pleure... Sur Franck... Que j’ai cru perdre...  Que je sais atteint d’un mal incurable... Je l’ai lu dans son journal...  J’ai tout lu...   Son combat solitaire contre la maladie... Son angoisse face à la proximité de la mort... Son orgueil trop grand pour demander de l’aide aux autres... Sa souffrance...

Sa peur... Notre ignorance...

Je lui serre la main...  Tout allait changer... J’allais m’ouvrir, me tourner vers la vie, vers ce qui compte... Nous allions nous voir, nous rencontrer, nous parler... Enfin...

Je serai avec lui... toujours... Parce que c’est mon ami...

La pluie a cessé, Abdel allume la radio, il sourit, c’est du jazz

                                         FIN……………

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