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LE CONSUL
9 mars 2005

OMISSION, épisode IV:

Soudain, propulsé par une énergie insoupçonnée, Thomas releva la tête et se jeta sur Art, le bousculant suffisamment pour qu'il trébuche et lâche son pistolet.

Profitant de cette diversion bienvenue, après avoir shooté dans le 45 du russe, je me ruai sur la porte, l'ouvris, et me précipitai dans l'escalier.

 

A l'intérieur, c'était la panique, Tom, à califourchon sur Art l'élégant, le bourrait de coups de poing, provoquant l'incontournable réaction des gorilles.

Igor, ou crâne rasé, n'était qu'à quelques mètres de la scène et il se lança aussitôt à la poursuite du fugitif, regardant au passage d'un air amusé son compatriote si bien vêtu se faire corriger par un musicien aux cheveux longs.

Vladimir et ses bouts de coton se trouvait à l'étage lorsque la bagarre éclata, il analysa la situation, rangea son Smith et Wesson spécial police de calibre 38 dans sa ceinture et descendit calmement de la mezzanine.

Savourant le plus possible le spectacle qui s'offrait à lui, il s'approcha de la mêlée et empoigna fermement la tignasse de Thomas...

 

Je dévalai les étages plus vite que je ne m'en serais cru capable, plus qu'un et je serai dehors, j'aurais alors tout le temps de me reprocher ma fuite et de réfléchir à un moyen d'aider au plus vite mes amis. Plus haut, j'entendai les pas, le souffle et ce qui devait être les jurons de mon poursuivant, j'avais un étage d'avance, ce qui, une fois à l'extérieur, représentait environ une trentaine de mètres, distance faisant de moi une cible complexe, surtout dans une ville où on ne se tirait pas dessus en plein centre ville, du moins en règle générale... Du moins l'espérais-je...

 

La douleur arracha un cri à Tom lorsqu'il eut l'impression qu'on lui décollait les cheveux de la tête. Il dut lâcher prise et se relever, les deux mains occupées à soulager son crâne, il ne vit pas arriver la colonne de marbre faisant un si bel effet dans l'entrée du loft. Le choc fut violent et il perdit connaissance...

-On bouge plus les p'tits pédés et on lève les pattes !hurla Franck.

Il avait tout de suite vu que quelque chose clochait dans l'entrée de Noun et, après avoir sauté derrière le canapé, il avait rampé de poufs en table basse, de plante verte en fauteuil, afin d'échapper aux regards. Il avait ensuite espéré une diversion quelconque de ses potes, et elle était venue...

Les deux pieds solidement campés sur le plancher, jambes légèrement fléchies, il tenait son arme à deux mains, sans trop la serrer, les sens aux aguets.

-Toi la poutre, tu vas tout doucement sortir ton calibre de ton froc et le poser délicatement sur le sol, puis tu vas le pousser du pied vers celui de ton collègue, rajouta Franck rendu confiant par les dix-sept cartouches que contenait son arme.

Les deux gangsters, ahuris par le retournement de situation, s'exécutèrent.

-Ne prenez pas de risques inconsidérés, monsieur.. ? cracha Art, la bouche pleine de sang.

-Pour l'instant, connard t'es dans la merde, alors ferme ton museau. Répondit Franck.

Thomas revenait à lui, une bosse au front et un marteau-piqueur dans le crâne.

-Tom, ramène toi !

Puis le silence se fit, semblant durer une éternité durant laquelle les hommes se jaugèrent...

 

Plus que trois mètres, deux, un. Je franchis comme un boulet la porte restée ouverte. J'avais conservé la même avance sur mon poursuivant, qui vociférait sur mes talons.

Sans doute cherchait-il à alerter le fameux Sacha, que je ne tenais pas à rencontrer à nouveau.

Voeu pieux, mais hélas sans effet...

Face à moi, ouvrant les bras pour m'intercepter, un tronc d'arbre, près de cent cinquante kilos de muscle, moulés dans un petit pull-over, occupant à lui seul la largeur du trottoir, il est à dix mètres, à droite les immeubles de la rue.

 Les portes habituellement closes et protégées de digicodes et autres interphones, renforçant un fausse impression de sécurité censée lutter contre un artificiel sentiment d'insécurité.

A gauche une rangée de véhicules garés les uns contre les autres, puis une artère centrale de la ville, où des bolides lancés à vive allure dessinent des traits de lumière dans la nuit, et derrière moi, à quelques pas, la brute chauve à l'énorme flingue.

On disait de moi que j'étais un garçon posé et réfléchi, manquant parfois de spontanéité. J'avais en effet horreur des imprévus, et j'aimais par-dessus tout me donner le temps de réfléchir à mes choix.

Rebrousser chemin, m'obligerait à ralentir mon allure et permettrait à Igor de revenir sur moi, peut-être même de tomber sur moi, en tous cas cela raccourcirait sa distance de tir : Option abandonnée.

Même résultat si j'essayais de sonner aux portes voisines...

Traverser en courant, sous la pluie et de nuit cette avenue mortelle : Très peu pour moi.

Un seul choix possible, affronter le géant, semblait-t-il désarmé, le passer, et disparaître dans le dédale des ruelles adjacentes.

Et cette perspective ne m'enchantait pas du tout...

 

A l'étage Franck hésitait.

Comment protéger ses amis ? Où était Alex ?

Les deux mafieux rendus comiques par leurs bouilles grimées de sang lui lançaient des regards assassins, à ses cotés il pouvait sentir la rage et la peur de Thomas, plus loin le corps inerte de Noun.

Les batards ! Il l'ont buté ! Songea Franck.

Il savait que sa marge de manoeuvre était étroite. L'ennemi connaissait son adresse et certainement l'identité de tout le groupe. Les laisser repartir, c'était des représailles assurées.

 Les livrer à la police, c'était trahir la promesse faite à Tom, et faire courir d'énormes risques à Alex et Katarina.

La sonnerie d'un téléphone mobile troua le silence pesant.

-Laisse sonner salopard ! Ordonna Franck, alors qu'Art esquissait un geste vers sa poche intérieure.

-Vous avez tort. Répondit le chef des russes. En ce moment même, mes hommes postés en bas cherchent certainement à me joindre pour m'annoncer la capture de votre ami fuyard, si je ne leur réponds pas, ils sauront que j'ai des difficultés avec vous, et alors, après lui avoir ouvert la gorge, ils viendront s'occuper de vous. Et ne croyez pas qu'ils se soucieront d'épargner ma vie ou celle de Vladimir.

-Qu..qu'ils  vi..viennent ! S'écria Noun, qui au prix d'un effort colossal était parvenu à se redresser. Son corps n'était que douleur, il savait les plaies, les fractures et les contusions.

-David ! Ça va ? J't'es cru mort mon pote. Lui dit Thomas.

Noun parvint péniblement à se mettre sur ses jambes.

-Vous voyez messieurs. Continua le russe. La situation n'est pas si grave, si vous vous montrez raisonnables, et si vous promettez de vous mêler de vos affaires, je pense que nous sommes quittes et je suis prêt à passer l'éponge.

-Cette pédale nous bourre le mou les gars, mais je veux pas décider tout seul. Reprit Franck. On est pas si peinard que ça.

Les trois amis échangèrent des regards perplexes et angoissés, l'espace d'un instant ils découvrirent entre eux un nouveau lien, leurs destins étaient imbriqués désormais...

C'est cet instant précis que choisit « nez de coton » pour passer à l'attaque, profitant du trouble de ses adversaires, il se saisit d'un vase aux formes et aux couleurs harmonieuses, et le lança vigoureusement sur Franck.

Dans la même seconde, son chef, plongea sa main droite dans son ample veste, et l'en sortit munie d'un pistolet de calibre 6.35, arme de faible puissance, toutefois suffisante pour donner la mort.

Franck déséquilibré par l'impact du vase, n'eut d'autre choix que de laisser échapper les deux brutes de sa ligne de mire.

Thomas et Noun, l'un surpris, l'autre groggy ne firent aucun geste.

Vlad et Art, témoignant ainsi d'une longue pratique commune de ce genre de situation, agirent un nouvelle fois de conserve. Le premier roula derrière un fauteuil, tandis que l'autre bondit à l'abri du bar.

Franck, enfin prêt à agir, attrapa Tom par le col et l'entraîna avec lui par-delà le canapé, juste avant que les premiers coups de feu n'éclatent. Il répliqua sans vraiment viser, conscient que son sofa, pour épais qu'il fut, ne les protégerait pas très longtemps, et que son ami Noun titubait dangereusement au centre de cette furie...

 

Je n'étais plus qu'à cinq mètres du mur de muscle me séparant du salut.

Selon toute logique, une telle masse ne pouvait se déplacer très aisément, aussi je comptais baser mon plan sur ce principe...

J'allais feindre un ralentissement, donner l'impression d'hésiter, puis esquisser un démarrage brusque vers la gauche, cependant ce serait bien à droite, c'est-à-dire par l'espace le plus réduit, entre le russe et les bâtiments que je placerais ma véritable accélération...

Soit les dieux du sport étaient occupés ailleurs, soit ils étaient russes.

A peine eus-je entamé mon sprint final, certain que ma préparation tactique avait réussi, que Sacha se tourna brusquement vers moi et me saisit par le col.

Le choc fut grand, à la mesure de ma déception. Sacha, ajusta sa prise, il soulevait maintenant sa victime, qui ne touchait plus terre, il me plaqua contre le mur afin que je cesse mes gesticulations, du coin de l'œil, j'aperçus Boris qui venait vers moi, rengainant son arme. 

Je vis le sourire sur le visage du chauve qui composait un numéro sur son mobile, et je vis ce sourire s'éteindre aussi vite qu'il était apparu. Quelque chose ne se passait pas comme prévu...

 

Dix, onze, douze, treize cartouches déjà, et la situation de Franck ne s'améliorait pas. Le feu adverse s'était intensifié, et il ne pouvait plus se permettre de sortir la tête de son abri. Il brûlait cependant de vérifier la position de Noun et de savoir si le bruit sourd, entendu il y a quelques secondes avait un rapport avec lui.

-Enculé ! il faut faire quelque chose ! Hurla Franck. Je vais essayer de te couvrir, toi, tu fonces vers la gauche, vers ce fauteuil, y'a leurs flingues tout près ! Ok ? Tom tu m'entends putain de merde ?

A ses côtés, Thomas, le visage dans les mains, était paralysé de peur.

Combien de temps pourraient-ils encore tenir ?

Soudain, la partie supérieure droite du canapé fut arrachée, faisant suite à un déflagration plus violente que les précédentes.

Pour Franck, une cause : L'entrée dans le combat d'un revolver de gros calibre, sans doute du 44, et une explication : Le retour du chauve et de son flingue de concours.

Dès lors, leur position devenait intenable. Encore quelques secondes, et son pauvre canapé design ne serait plus qu'un souvenir. De plus le retour si rapide d'Igor ne pouvait signifier qu'un chose, la capture d'Alex.

 

Dans le hall, le géant russe, une main fermement rivée à mon col me regardait débiter des tonnes de mots, dont il ne comprenait pas le dixième. La trouille me rendait bavard à l'extrême, mes muscles semblaient indépendants.

En haut les coups de feu s'étaient fait plus intenses quelques instants, puis, tout avait cessé.

J'étais écrasé contre le mur en marbre, il allait me tuer, c'était certain.

A mes pieds un bac à plantes. Agir, vite...

Je prends un poignée de terre et la lui jette au visage, il crie et me lâche,

ramasser quelque chose, là, le vase, alors frapper, frapper encore, et encore, il s'écroule, en silence, frapper encore...

Puis, tremblant de trouille et d'adrénaline, disparaître dans la nuit urbaine...

 

Thomas commençait à reprendre le contrôle de ses actes. Bien trop tard, pensait-il.

Assis sur le sol, il regardait médusé, le loft éventré, défiguré, par une poignée de secondes d'une lutte acharnée.

A sa droite, assis et entravé comme lui par de la ficelle à rôti, Franck, le regard noir de celui qui avait dû se rendre pour peut-être ne pas éviter le pire, à sa gauche, la grande carcasse étendue de son ami Noun, inconscient mais respirant faiblement, une nouvelle tâche écarlate à l'épaule gauche, en face, à quelques mètres, le visage satisfait et méprisant, quoique tuméfié, d'Artyusha, téléphonant une nouvelle fois, sans doute pour prévenir son maître de sa victoire totale, derrière lui, Igor, aussi expressif que son revolver.

Vladimir était descendu, sans doute pour récupérer Alex et le monstre.

-Tu crois qu'on peut encore s'en sortir ? Demanda-t-il à Franck.

-Tu sais mon pote, tant qu'on est pas bouffés par les vers, y'a toujours des solutions. Répondit l'aîné du groupe.

Dans l'entrée, Vlad était apparu, la mine blafarde, et chuchotait dans l'oreille de son chef des mots qui transmutèrent son allure triomphante en une misérable moue de dépit.

-Regarde ! Reprit Franck. Il s'est passé quelque chose qui lui brise les roustons, et ça, pour nous c'est forcement bonar !

Les deux gorilles soulevèrent Noun, tandis que leur chef, les menaçant d'une arme, faisait avancer Franck et Tom.

Ils dévalèrent rapidement les étages, conscient que la fusillade avait certainement été entendue, et que les forces de l'ordre n'allaient plus tarder...

Dehors, face à l'immeuble, les attendait une fourgonnette verte aux vitres opaques. Noun y fut jeté et ses deux amis invités fermement à y prendre place.

Au fond, gisait une forme humaine roulée en boule et inconsciente.

Lorsque le véhicule s'ébranla, Igor au volant, Art à ses côtés, et Vlad à l'arrière, son arme pointée vers les prisonniers, Ils aperçurent, illuminé par l'éclairage public, le visage de la pauvre forme sanguinolente.

-Je sais pas comment il s'est démerdé. Murmura Franck, Mais Alex a pu le niquer et s'en tirer. Et ça, c'est une vrai chance...

 

Blotti entre deux containers à ordures, dans l'apparente tranquillité d'une ruelle déserte, le corps pris de tremblements nerveux, je pleurai en claquant des dents.

Jamais je n'avais eu aussi peur, jamais je n'avais considéré la mort, ou même la souffrance avec autant de proximité. Après tout, je n'étais ni un flic, ni un voyou, et encore moins un héros, je réalisai que j'avais présumé de mes forces et de mon courage. Mais quelle folie !

Penser que quatre « gamins » imaginatifs pouvaient contrer des hommes endurcis et impitoyables.

Quel orgueil démesuré avait pu me faire oublier, l'espace d'un instant, la réalité de ma lâcheté ?

Malgré les avertissements de Franck, le seul d'entre nous à mesurer sérieusement les risques, j'avais insisté, c'était moi le responsable, j'aurais pu tout arrêter, mes amis avaient confiance en moi, ils m'avaient suivi et maintenant Noun était mort, et peut-être Tom, et Franck, morts, aussi...

Et c'était de ma faute. A présent, je le savais, les chances de survie de mes amis, s'ils étaient encore en vie, étaient très minces. Il fallait que je me lève, que j'aille voir la police, et que je me décharge de cette responsabilité abrutissante.

J'en étais incapable, mes jambes refusaient de me porter...

 

-Y'en a encore un là, lieutenant !

-Merci, Marc, cela fait donc trente-huit impacts, répondit le lieutenant T..

Les cheveux élégamment tirés en arrière, vêtu d'un bomber noir et d'une paire de jeans, il contemplait incrédule le spectacle de désolation offert par cet appartement.

-Ouais, et d'au-moins quatre calibres différents, ça a été Fort Alamo ici !Enchaîna le brigadier-chef.

-Et bien sûr les voisins n'ont rien vu. Poursuivit l'officier.

 Je ne pige pas ce qui s'est passé, apparemment, trois ou quatre types campaient dans ce loft, en plus du propriétaire, un certain Franck G., et ils ont eu de la visite...

-Et y'a eu du pet, !Coupa le subalterne.

-L'analyse des traces de sang nous dira combien de blessés, la balistique, combien de tireurs, et l'épluchage des bagages des campeurs peut-être davantage. Je me demande où tout ce beau monde a pu se tirer ?

A SUIVRE……………

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